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Les treize «bienfaits» du régime Nkurunziza

Vous nous chantez, malgré les fausses notes, que « tout va bien ». Vos jeunes « qui voient très loin » hurlent à tout vent, le ventre vide parfois, et répètent – sans beaucoup y croire eux-mêmes – que tout va au mieux… Moi, ces derniers jours, j’ai ressorti la tête du trou et j’ai regardé autour de moi.

Et j’ai voulu adhérer. Oui, tout va bien, aussi bien que l’enfer soit le reflet du paradis. Mais bien sûr, au Burundi, c’est le pied. Et pour bien des raisons :

  1. Le pouvoir appartient, enfin, au peuple. Tant pis si ce pauvre bougre d’administrateur de Buganda se fait rabrouer par des jeunes au tee-shirt qui « vote oui ». N’est-ce pas eux qui l’ont élu ?
  2. On travaille le jour, et la nuit, on dort… Comme il se doit ! Un couvre-feu, même informel, est toujours bénéfique. Un repos suffisant signifie un travail productif le lendemain. D’ailleurs, la nuit ne devrait appartenir qu’aux chauves-souris et aux sorcières !
  3. Concerts électros et feux d’artifice gratuits. Il faut juste regarder à la fenêtre pour contempler les étoiles filantes qui illuminent le ciel. Et apprécier le doigté de ces musiciens à l’art fatal.
  4. Des maisons bien sécurisées. Une urgence sanitaire ? Un accouchement précoce ? Le quartier est bouclé « pour ta sécurité » et pour le bonheur des élèves friands d’école buissonnière et de grasses matinées inespérées.
  5. Une protection rapprochée… Très rapprochée, même. Des campements de policiers dans les cours d’école. Mais où est le problème ? Les mauvais garçons qui maltraitent leurs petits camarades dans la cour de récré méritent d’être punis…par un porteur de mitrailleuse. Évidemment !
  6. « Dieu » est parmi nous. Nous autres « pécheurs », nous ne méritons pas de poser les yeux sur lui. Faisons place. Dégageons les routes pendant trois et pourquoi pas même cinq heures tant qu’on y est ! Et si finalement « Il » ne passe pas et qu’on est en retard au boulot. Le patron comprendra… Nous sommes un peuple de croyants, n’est-ce pas ?
  7. Des blockbusters en chair et en os. Après avoir grandi dans l’émerveillement des RamboCommandoChuck Norris, n’était-ce pas notre rêve de les croiser un jour ? Et même de les voir dans le feu de l’action ? Tant pis, si parfois, on y laisse un œil, un pied, le cœur ou la tête. Le rêve le plus cher a été finalement exaucé.
  8. Égalité sociale. Ils sont loin ces jours où nous, Bujumburiens, nous pavanions comme des coqs devant la majorité silencieuse, surnommée péjorativement « coupeurs-de-bananes ». Mais maintenant, sommes-nous aussi fiers d’exhiber nos cartes d’identité aux check points qui sont désormais plus nombreux à Buja que les poils sur les singes ? C’est le cœur serré que nous voyons ces frères en uniformes bleus nous sommer de stopper. Je n’aurais jamais cru qu’un jour on maudisse d’être né à Ngagara, Musaga, Nyakabiga, Kinindo, Mutakura ou à Cibitoke.
  9. Une solution pour la surpopulation. Bien sûr, quand la nature ne veut pas faire son travail, on peut l’aider ! Et ceux qui évoquent le néologisme « jeunocide », ce sont ceux-là même qui, par le passé, ont fait pire. Au moins maintenant, ces jeunes ne sont que des criminels, des délinquants, des bandits-fumeurs-de-chanvre, des rebuts de la société, des marginaux asociaux qui n’ont que ce qu’ils méritent !
  10. Finis ces rires cristallins à tous les coins de rue, fini le sourire du passager à côté de toi dans le bus. Ce maudit qui te dit que tout le monde est heureux. Au moins maintenant, ces gueules d’enterrement qu’on trimballe tout le temps nous accoutument à nos futurs boulots. Serons-nous tous bientôt des embaumeurs, croque-morts ou chauffeurs de corbillard ?
  11. Malhonnête de gagner sa vie…honnêtement. Escroquons, arnaquons. Si l’on veut dépouiller les gens, plus besoin des coins obscurs. Étalons les cartes truquées au grand jour. À même le sol ou sur les pavés des grands axes ! « C’est la faute de qui, si on se fait plumer sous l’œil bienveillant d’un policier ? » De toi, le dupe, bien sûr.
  12. Le respect des proverbes. « Ijambo rikwanse rikuguma mu nda ». Pourquoi n’apprend-on jamais ? « Gahanga wishwe n’iki ? » a dû faire le mur d’une prison avant de fuir comme un voleur. Et on veut continuer à parler ? Pour dire quoi ? Si seulement hocher la tête suffit. Ceux qui ont trop usé du franc-parler ont eu, le 13 mai, leur réponse définitive. D’autres l’ont payé d’un gendre et d’un fils. Et pourquoi ? Pour n’avoir pas su tourner la langue soixante-dix-sept fois dans la bouche, quitte à se la fouler, ce qui aurait été meilleur par ailleurs.
  13. La vraie « In-dépendance ». Je ne vais pas m’y attarder, tout le monde le sait : le « Diable est Blanc » et vit en Belgique. Lui-même ne le nie pas. Ne vénère-t-on pas, là-bas, des « Diables Rouges » ? Ne le voit-on pas arborer fièrement des cornes ?  Et nous, peuple de lumière, vivant sous la main bienveillante de « Dieu-fait-homme », irions nous acoquiner avec ces rebuts de la Géhenne ? Moi, jamais, sindumuja !

Fini l’autruche, j’ai donc définitivement sorti la tête du trou. Et je vous l’accorde : « 99.9% du territoire est sécurisé. » C’est l’essentiel. Même si, j’en mets ma main à couper : 99.9% des Burundais ne sont pas en paix – sauf les Congolais naturalisés bien sûr-. Et peut-être aussi ceux qui logent à « Kamuri »… Mais laissons ces derniers : ils ont leurs propres démons qui pourraient bien vous ressembler, qui sait ?

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