Ailleurs, les jeunes passent leurs journées penchés sur des projets de développement, créent des start-up, construisent des drones mais chez nous, si nous ne sommes pas occupés à brûler des pneus, nous passons nos week-ends à scander des slogans revendicateurs. Et ça ne date pas d’hier.
Ceux qui ont moins de 30 ans aujourd’hui, moi y compris, n’ont connu qu’un temps infime de quiétude parfaite. Dans les années 2000, nous entendions, tous les soirs, nos parents discuter autour d’un verre, des jeunes virulents de tel parti politique qui s’affrontaient avec leurs congénères d’untel autre parti et d’une manière parfois musclée. Loin de Bujumbura, des rebelles dans la fleur de l’âge réfléchissaient à un moyen de faire des embuscades éclatantes sur les routes nationales menant à l’intérieur du pays. Peu de temps après, on entendait à la radio que la RN1 (Route Nationale 1) devenait dangereuse à partir de 16h, et cela pour tout le monde.
Et comme nous sommes une société qui a la fibre vindicative, les détenteurs du pouvoir déployèrent des commandos surentraînés pour mater les terroristes. Le sang des jeunes abreuva les montagnes.
Cercle vicieux
À Bujumbura, dans ces mêmes années, je me rappelle que la psychose était devenue notre meilleure amie. Des jeunes vaillants furent alors sollicités pour faire partie du mouvement Jeunes Gardiens de la Paix. À Ngagara, Nyakabiga, Musaga, ils faisaient la loi. Et nos parents de dire qu’ils leur rappelaient les Sans Échec des années 1990. Et ma grand-mère de mentionner la Jeunesse révolutionnaire Rwagasore.
Des Sans Échec, il ne reste que des débris. Des gardiens de la paix, il ne reste que des souvenirs.
Exploitation
Pendant ce temps, les mêmes figures monopolisent le débat politique depuis 30 ans. Certains ont passé le temps sans une égratignure. Ceux qu’on ne voit plus se la coulent douce à la retraite, incognito, dans de somptueuses villas qu’ils se sont offert à Bujumbura, en Belgique, au Canada.
Récemment, ces vieux nous ont appelés à investir les rues. Et nos amis ont été sommés de nous pourchasser. Nous nous sommes pourchassés, jusque sur les réseaux sociaux. Nous continuons à le faire à coup de partage des publications de ces leaders, qui il y a 30 ans, haranguaient nos grands-frères et les appelaient soit à faire la révolution dans le maquis, soit à sauvegarder la nation en terrorisant.
Et puis on vient s’interroger sur le pourquoi du comment un jeune de 34 ans peut devenir la troisième personne la plus riche au monde. Hé oui, il n’a pas passé son temps à scander : « Caratuvunye ».
A relire : Pourquoi l’art et la politique ne feraient-ils pas bon ménage ?