Qu’est-ce qui a fait l’actualité du « pays de lait et de miel », la semaine passée ? Le récent rendez-vous médiatique du Général de brigade Gaspard Baratuza, Porte-parole de la FDNB, a phagocyté la réunion de rédaction des gratteurs de papier de Yaga. Entre ceux qui pensaient qu’il n’a fait que le minimum syndical et ceux qui ont retenu que le haut gradé n’a pas fait observer une minute de silence en l’honneur de nos compatriotes tombés sur le champ d’honneur, le débat a été houleux.
« Il n’a même pas donné de bilan, il n’a fait que balader les journalistes présents, sans vraiment donner des informations détaillées sur ce qui se passe réellement sur le champ de bataille (…) », s’est emporté un collègue quand le sujet de la communication du Porte-parole (Popa) du ministère des Forces de la défense nationales du Burundi (FDNB) a été abordé. De prime à bord, rappelons que le traitement journalistique des sujets lié à la défense nationale est très délicat et très encadré par la loi régissant la presse au Burundi. Autant vous dire tout de suite que j’ai eu l’impression de marcher sur les œufs en écrivant ces lignes.
Il aurait pu au moins demander à l’auditoire d’observer une minute de silence en l’honneur de soldats tombés sur le champ de bataille en RDC, a embrayé un autre collègue qui était apparemment sur la même longueur d’ondes que le précédent. Un vieux crouton du groupe a cru bon de rappeler que quand les hommes et les femmes choisissent de rejoindre l’armée, ils savent à quoi ils s’engagent et les risques inhérents au métier des armes. Donc, pour lui, le Popa n’a pas commis un impair en ne faisant pas observer une minute de silence. Mais, commençons par le commencement. Pourquoi le rendez-vous et pourquoi maintenant ?
Ne pas laisser le champ libre à « l’ennemi »
Le monde a évolué. Actuellement, les guerres ne se mènent plus uniquement sur le champ de bataille. Il existe d’autres terrains d’affrontement où il ne faut pas être absent. Plus intéressant encore, on peut gagner haut la main la bataille des fusils et des bombes et perdre lourdement sur d’autres plans, notamment celui de la communication. A l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication, cela ne pardonne pas. C’est l’explication que donne l’auteur de ces lignes à la récente sortie médiatique du Général de brigade Gaspard Baratuza. Et il l’a dit lui-même en quelque sorte. « M23 iravuga ko yishe abasirikare barenga 200 b’Uburundi. Nashaka kubabwira ko muri bino bihe, hariho iyindi ntambara y’ubundi bwoko ; intambara y’ururimi, intambara y’umunwa,intambara yo kuvuga. Mu gifaransa niho bavuga ngo les fûts vides font beaucoups de bruits. Iyo umuntu ananiwe hariya (ku rubuga rw’intambara) aca atangura kuja ku mbuga ngurukanabumenyi (…) ». C’est incontestable, les réseaux sociaux sont inondés par les informations qui évoquent ce qui se passe à l’Est de la RDC. Bien malin est celui qui saurait dire si telle information est authentique et telle autre ne l’est pas. Il faut être bien rodé dans le fact-checking pour reconnaître la désinformation, la sous-information, les fake news, etc.
Notons quand-même que Gaspard Baratuza lance des lauriers à la télévision France 24 qu’il dit suivre quotidiennement, parce que ce média ne s’amuse pas à donner des chiffres fantaisistes, « contrairement à France 24 en ligne » ; ce qu’il égratigne au passage. Ce qu’il ne faut pas en tout cas ignorer, c’est que les militaires burundais tombent sur le champ de bataille en RDC, « et c’est normal parce qu’à la guerre, on ne se lance pas des fleurs » ; dixit le Popa de la FNDB. Pourquoi ?
Pourquoi sommes-nous là-bas ?
A la veille de la fin de l’année 2023, le président Evariste Ndayishimiye avait fait une mise au point importante concernant l’envoie de troupes burundaises en RDC ; c’était lors de l’émission publique du 29 décembre 2023 à Cankuzo. Il avait indiqué que si la maison du voisin brûle et que vous ne lui venez pas en aide, pas à éteindre l’incendie, la prochaine à brûler sera la vôtre.
C’est cela qu’un collègue a répondu à un autre qui s’interrogeait sur les raisons de la présence de la FDNB à l’Est de la RDC. Plus concrètement, un autre collègue a ajouté que le Popa de l’armée burundaise a raison de rappeler que la RDC est un pays avec lequel on fait du business. Et oui, la RDC est un grand partenaire commercial. Les exportations du Burundi vers la RDC se chiffraient à plus de 60 milliards de Fbu en 2020. Elles représentaient 48% des exportations du Burundi vers toute l’Afrique. Mais pour autant, la RDC vaut-elle vraiment tout ce sacrifice ?
« Igihugu ca Kongo kibuze umutekano, n’Uburundi ntibuwugira [S’il n’y a pas la sécurité en RDC, le Burundi n’est pas en sécurité non plus], a rappelé avec raison Baratuza. Même si cela est vrai, ne faut-il pas remettre en question la mission lorsqu’il y a des fortes pertes ? L’armée américaine a été contrainte d’évacuer la Somalie à la hâte (la queue entre les jambes, devrai-je dire) en 1991, lorsque 19 Rangers ont été tués quand les Américains ont voulu capturer ou tuer un seigneur de guerre du nom de Mohamed Farah Aïdid qui semait la désolation à Mogadiscio. Six mois après cette déculottée, les Yankees se retiraient de la Somalie. Pourtant, cette armée est considérée comme la 1ère du monde en termes de puissance.
Mais pourquoi je vous parle de tout cela déjà ? Ah oui ! L’équipe de rédaction s’était mise en tête de trouver un bon angle pour traiter journalistiquement la communication du Popa de la FDNB. Bref, nous nous sommes vite retrouvés dans un cul-de-sac.