Francine Niyonsaba vient de terminer une saison époustouflante couronnée d’un record mondial. Elle suscite une vague de sympathie. Espérons que nous n’aurons pas une mémoire aussi amnésique comme celle que l’on a eu après la débâcle des Intamba à la CAN.
Je me souviens de ce 23 juin 2018 comme si c’était hier. Voici le pitch : coupe du monde de football en Russie. La Belgique joue contre la Tunisie. L’ambassade de Belgique au Burundi organise une nouba à l’Arena. La formule est alléchante : un but, une bière. Pas mal, hein ?
En vrai, je n’y vais pas que pour la bière. Oui, vraiment. J’y vais pour voir à quoi ça ressemble de voir son pays jouer au très haut niveau. Simple curiosité. Il y a beaucoup de Belges et croyez-moi, ils ne boivent pas de l’eau. Et ce jour là, la bande à Eden Hazard n’y va pas de main morte. Cinq buts. Cinq bières. J’ai la tête qui tourne un peu.
Euphoriques, certains Burundais, les joues colorées en noir jaune rouge crient : « Nous les Wallons, nous les Flamands ». Malgré les neurones qui disjonctent, je me dis quand même « ah ouais, qu’est ce que c’est chouette de voir son pays au haut niveau».
La Faramania, comme une impression de déjà vu…
Mon vœu a été exaucé un samedi 23 mars 2019. Au terme d’une campagne de qualification à la CAN, les Hirondelles ont eu raison des Panthères gabonais et leur buteur en série, Aubameyang.
Qu’est-ce que c’était fou! Toute une ville en ébullition. Les gens criaient à se péter les cordes vocales. Le temps des célébrations, le code de la route a été relégué aux seconds rôles.
Sur les réseaux sociaux, l’élan patriotique a gagné tout le pays. Les annonces des gens qui donnaient généreusement de grosses sommes d’argent se sont enchainées. Particuliers, entreprises, les cotisations pleuvaient. La doxa du moment disait que soutenir les Intamba est un acte patriotique. Un variant trop fort de l’intambamania venait d’être découvert.
Mais la campagne égyptienne a été, avouons-le entre nous et à voix basse, une catastrophe, footballistiquement parlant. O buts 0 points. On a traité de tous les noms le coach, le pauvre père Mutombola. Son embonpoint était devenu la risée des internautes. Le pauvre est devenu un mème. Le retour des joueurs, presque inaperçu. Loin du tapage médiatique de quelques mois avant.
Pourvu que Fara soit différemment traitée.
Les plaintes de la gazelle du Buyogoma sur les supposés manquements du Comité national olympique ont causé un émoi. Les gens se sont lâchés sur les officiels du CNO. Raison de plus, c’était à un moment où l’image de l’autorité était effritée. Le président Ndayishimiye enchainait des destitutions largement relayées sur les réseaux sociaux. Chaque personne démise de ses fonctions était lynchée au 2.0. Fara était pour certains, une sorte de porte-voix.
L’image de Fara-la-victime la suit à Tokyo. Quand elle est disqualifiée aux 5000 pour « avoir enfreint les règles », certains crient au complot. « C’est dans la continuité de l’histoire d’hyper androgénie. » L’émoi est catalysé par ses plaintes sur les réseaux sociaux, elle se disait esseulée dans ses coups de gueule. Acte 2 du lynchage du CNO.
La réponse de Fara sur les pistes dans les meetings de la Diamond League a été tout simplement hallucinante. Eugene, Paris, Bruxelles, Rome, Zurich, et pour clore sa saison, un record du monde à Zagreb sur 2000 mètres.
Quoi de plus normal que de toucher la corde sensible du patriotisme ces derniers temps où ce mot est servi à toutes les sauces ? En tout cas les compatriotes le lui rendent bien. Hashtag #FaraWacu, comme on l’avait fait avec #IntambaZacu, le verbe franciner qui signifierait l’abnégation, pour certains, des boulevards en son nom, des stades en son nom, tous rivalisent d’imagination pour rendre hommage à la déesse des pistes.
Ende bashazirikana ! Notre Firecine nationale a 28 piges. Plus près de la fin de sa carrière que du début. Elle est certes à son apogée. Quand elle n’enchainera plus victoire sur victoire, ne nous montrons pas oublieux, limite ingrats, comme on l’a fait envers qui vous savez…