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L’émotion en politique, une arme de « persuasion massive »

Le monde politique est souvent perçu comme un monde froid et sans sentiments. Un monde qui semble renvoyer à la rationalité, au calcul, à la stratégie et à une maîtrise de soi. Cependant, l’émotion trouve quand même un moyen de s’y incruster. Encore que, aux mains des politiques, l’émotion devient une arme redoutable. Découvrez comment sous la plume de cette blogueuse.  

Les émotions sont présentes partout et elles nous submergent de plusieurs façons : à travers les médias, les discours, les débats, les campagnes électorales, etc. Pour le sociologue Philippe Braud, l’émotion est « tout état affectif qui s’écarte de ce degré zéro qu’est l’indifférence absolue envers un objet ».  Les règles émotionnelles s’imposent aux politiques, même si elles prennent des formes distinctes selon les périodes et les circonstances. Elles sont tantôt masquées, mises en scène ou exploitées. Elles sont sincères ou simulées, personnelles ou partagées, sous contrôle conscient ou sans réelle maîtrise. 

Comment se manifeste l’émotion en politique ?

Vous l’aurez sans doute remarqué, la politique surtout dans les périodes de violence et de crise appelle un certain type de discours fortement émotionnel. En effet, les actes politiques sont aujourd’hui décrits avec le vocabulaire de l’émotion : un parti politique qui sort un communiqué pour affirmer sa tristesse à la suite d’une série d’assassinats, un chef rebelle qui revendique des attaques terroristes, un journaliste qui parle de désolation lors d’une couverture médiatique, etc. 

Pensons aux campagnes électorales. Les candidats cherchent à susciter certains sentiments et à les exploiter lors des propagandes. Parmi ces sentiments, on retrouve la peur qui est très souvent présente dans ces moments-là et il est facile pour les candidats de la titiller de plusieurs manières pour promettre par exemple une plus grande sécurité à ceux qui choisiront d’adhérer à tel projet/programme ou tel autre.

La parole présidentielle : l’émotion dans sa forme la plus institutionnelle

L’émotion peut également se manifester dans les discours politiques officiels comme les discours des chefs de l’Etat. Dans La représentation politique comme lien émotionnel, le politologue Christian Le Bart, affirme que le chef de l’Etat n’est pas seulement ce leader qui décide et qui oriente l’action publique ; il est également cette figure d’’incarnation qui se recueille, qui ressent à l’échelle de son corps exemplaire, les émotions qui doivent parcourir le corps social tout entier. Les émotions ainsi affichées sont très ritualisées : les cérémonies commémoratives officielles qui ponctuent la mémoire nationale, les discours présidentiels qui accompagnent les cérémonies d’hommage aux victimes des attentats ou aux cérémonies venant ponctuer la disparition des personnalités exceptionnelles, etc. Bref, la parole présidentielle est l’occasion de dire l’émotion en sa forme la plus institutionnelle. 

A quoi sert-elle vraiment, l’émotion en politique ? 

Les émotions exercent une influence sur la pensée et la prise de décision sur le récepteur. De ce fait, elles sont considérées comme un moyen à disposition de l’émetteur pour persuader les citoyens cibles. Selon les politistes Loïc Blondiaux et Christophe Traïni, dans La Démocratie des émotions, les émotions sont au cœur de la mobilisation collective : compassion pour les victimes, colère à l’égard des tyrans, admiration des héros, enthousiasme d’agir ensemble, etc. 

« Rien de grand ne s’est accompli sans passion »

Pour eux, effacer le rôle des affects dans le bon fonctionnement d’un régime démocratique, c’est faire fausse route car, pour impliquer l’ensemble de la population dans les décisions politiques, les arguments rationnels ne suffisent pas. En politique, l’émotion est donc un moyen de persuasion, d’où l’importance des messages publics qui sont censés agir sur la formation des attitudes et des croyances, influencer les mécanismes de décisions, former des représentations sociales et modifier des comportements. 

Malgré sa part d’ombre, sans émotion, la démocratie chancèle. Le philosophe Hegel notait que « rien de grand ne s’est accompli sans passion », cependant, il n’oubliait pas de rappeler que l’exubérance de passion favorise l’instabilité politique et que la passion n’est rien sans la raison qui la guide. 

 

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