L’école devrait être un milieu propice à l’apprentissage et à l’épanouissement des élèves. Hélas, ce n’est pas toujours le cas. Tandis qu’il y a des élèves qui subissent des harcèlements sexuels de la part de leurs professeurs, d’autres jeunes filles sont violées par leurs éducateurs. Ces comportements indécents laissent des dommages dans la vie des victimes.
Butoyi* une élève de 18 ans dans la classe de terminale me raconte comme si c’était hier un évènement d’il y 2 ans qui l’a traumatisée. La voix pleine d’émotions, elle me parle de ce prof qui était tombé amoureux d’elle. Était-ce de l’amour ? J’en doute. « Ses gestes parlaient d’eux-mêmes, même mes camarades de classe se doutaient qu’une chose se tramait entre nous. » Cet enseignant l’interrogeait constamment sur l’une ou l’autre question et l’envoyait tout le temps au tableau. Un jour, le prof lui a demandé de sortir avec lui et elle a refusé, consciente qu’il ne fallait pas entretenir une relation avec son éducateur. « Je comprenais parfaitement ce cours mais suite à ce refus, j’ai accumulé des échecs dans son cours jusqu’à redoubler ! », se souvient-elle, un brin de chagrin dans sa voix.
Je lui pose cette question qui me brûle les lèvres : « T’a-t-il un jour demandé de coucher avec lui ? » Non, me répond-t-elle, « mais je suis convaincue que si je n’avais pas mis des limites, cette situation aurait eu lieu. » Elle m’avoue qu’elle n’a seulement parlé de cette tension avec son prof qu’à ses parents. Ceux-ci lui ont conseillé de prendre son mal en patience.
Les points, cet outil de chantage
Bella* une autre jeune fille de 15 ans a subi une situation pareille mais qui s’est envenimée par après. Sa meilleure amie et camarade de cette dernière me relate son histoire. À la différence de Butoyi qui était performante en classe, Bella a toujours eu de mauvaises notes. Son professeur de maths a essayé de profiter de cette faille. « J’ai constaté que tu as peu de points dans mon cours, ça te dit d’en avoir plus ? », lui a-t-il demandé un jour en la rattrapant dans la cour de l’école. « Ivyagusa bitera ubwenge buke » (Ce qui vaut rien rend moins intelligent) A-t-elle répondu, méfiante. Après avoir épluché ce refus, le prof à commencer à la gifler pour des broutilles en plein cours, me raconte son amie proche. La moindre erreur de la part de Bella était lourdement sanctionnée jusqu’à ce que le prof la convoque un certain samedi. Le prof a reformulé sa demande de lui attribuer gratuitement des points si elle voulait s’en sortir. Dépitée, Bella a fini par accepter et a vu ses notes augmentées considérablement. « Nous, ses amies, elle nous en parlait mais nous ne savions pas comment la conseiller. »
Le prof de maths l’a convoquée une autre fois. C’était un dimanche, précise l’amie de Bella. « Je m’en souviens parce que cette fois notre enseignant a dépassé les limites et lui a incité d’accomplir des relations sexuelles dans son bureau. » Après maints refus de Bella, le prof a essayé de la violer mais elle est parvenue à s’enfuir en abandonnant ses chaussures dans le bureau. Le lendemain, Bella a tout révélé à ses amies mais n’a pas osé le dire aux autorités. À la fin de l’année scolaire, elle a quitté cet établissement et le prof est resté impuni.
L’article 67 du règlement scolaire selon l’ordonnance ministérielle Nº 620/1078 du 19/06/2020 s’énonce comme suit : « Tout titre scolaire obtenu illégalement est annulé et détruit s’il est constaté plus tard et expose le détenteur et ses complices à des sanctions administratives et à des poursuites judiciaires. »
Quand le viol s’ensuit…
Le père d’une victime de 14 ans qui a subi un viol de la part de son directeur à Kirimbi dans la province de Gitega raconte que suite à ce traumatisme, sa fille a abandonné l’école. Dans cette affaire, l’auteur du viol a écopé d’une peine de 15 ans et d’une amende de 2 100 000 FBu grâce à l’implication d’un OPJ et d’un procureur. Néanmoins, 5 ans plus tard, le malfrat a été libéré laissant l’incompréhension et l’indignation dans le cœur des proches de la victime. Dans ce dossier, un témoin sur les lieux du viol a témoigné.
Rares sont les victimes qui osent témoigner ou tout simplement en parler. Pourquoi donc ? Béatrice Barandereka, psychologue clinicienne au Centre Seruka nous répond : « Dans notre culture, les questions sur la sexualité restent toujours tabous. Pour les victimes de viol, elles ont peur d’être jugées, incomprises, stigmatisées et discriminées par les membres de la famille et la communauté. Elles ont également peur des éventuelles représailles de la part de l’auteur du viol. » La psychologue nous parle aussi de la profondeur de la douleur causée par le viol : « Parler de viol, c’est encore une fois revivre l’événement traumatique. Beaucoup préfèrent garder le silence ce qui n’est pas bon pour la santé mentale car le refoulement cause des blessures profondes. »
Sur ce qui est des conséquences psychologiques, l’expert énumère : « Le sentiment de souillure, de honte et de culpabilité, la peur, la colère, l’angoisse et la dépression qui peut conduire au suicide. »
D’après elle, la prise en charge psychologique est un cas à part. Pour faire l’accompagnement, on doit rassurer la confidentialité aux victimes pour créer un cadre de confiance favorisant l’expression de son vécu. Ici, poursuit l’expert, l’important est d’amener la victime à verbaliser son ressenti, son vécu pour lui donner un support émotionnel et l’aider à faire le deuil des pertes (virginité, estime de soi, etc.) pendant le viol.