Le 24 mars 2025, le président de la Cour suprême a sorti une note dans laquelle il recommandait de « se référer scrupuleusement à la coutume dans le règlement des litiges en matière de succession dans le partage des propriétés familiales en milieu rural. ». Ce n’est un secret pour personne, la coutume burundaise a tendance à discriminer la femme. Qu’en est-il des efforts fournis jusqu’ici pour promouvoir l’égalité entre les genres dans ce domaine ? Coup de gueule.
Au moment où les autres agissent en faveur des femmes, au Burundi, ceux qui détiennent la possibilité de les promouvoir font tout pour les tirer vers le bas. Cette note du président de la Cour suprême en est l’exemple éloquent. On se demande quel est l’intérêt à en tirer. Qu’est-ce qui peut bien pousser une personnalité haut placée dans l’appareil judiciaire burundais à agir de la sorte ? En fait, le président actuel de ladite Cour n’a fait qu’enfoncer le clou, car le 16 août 2024, Emmanuel Gateretse, son prédécesseur, avait signé une note similaire demandant aux chefs des juridictions de ne plus se référer à une jurisprudence de la Cour suprême pour trancher les litiges portant sur des propriétés foncières reçues en héritage, mais plutôt de faire usage de la coutume dans ce genre de conflits.
Et le plus ironique, c’est que la note datant du 24 est sortie en mars, mois dédié aux droits de la femme. On est censé faire au mieux durant ce mois, au moins pour cacher le fait que durant les onze autres, pas grand-chose n’est fait. Une telle note sortie par une des figures aussi éminentes du pays vient nous rappeler qu’en matière des droits des femmes, le Burundi n’est pas encore sorti de l’auberge. Que fait-il de l’article 13 de la Constitution du Burundi, qui stipule clairement que « tous les citoyens jouissent des mêmes droits et ont droit à la même protection de la loi » ? Ou encore l’article 23 du même document reconnaissant que « nul ne sera traité arbitrairement par l’État ou ses organes. » ? Sans oublier l’article 36 qui assure que « toute personne a droit à la propriété »…
Il y a tant d’exemples de ce genre d’articles de textes de lois qui sont en contradiction avec ce que disent les notes déjà mentionnées.
Pensent-ils aux filles qui vont hériter ? Les frères peuvent recevoir leur part, tandis que les sœurs doivent se contenter d’un simple igiseke (un genre de remerciement). Voilà une injustice qui devra être réparée, tôt ou tard.
Nous sommes censés avoir dépassé tout cela, mais là nous faisons machine arrière. Les efforts fournis pour assurer un partage équitable entre tous les ayants droits, quel que soit leur genre, sont en train de tomber à l’eau. Et ce n’est même pas pour mettre fin aux litiges fonciers, d’après moi, cela ne fera que les exacerber.
Et le plus malheureux, c’est que ce genre d’inégalités ne s’arrête pas là. Même dans d’autres organes de l’État ou bien chez les représentants de celui-ci, la discrimination de la femme n’y est pas encore délogée. Tantôt à l’OBR, les femmes voient leurs salaires réduits de moitié durant le congé de maternité, tantôt les femmes n’ont plus le droit de fréquenter les bistrots après une certaine heure, ou encore elles n’ont plus le droit d’y travailler.
Et après, le 8 mars, on nous rabâche, à grands discours et graphiques impressionnants, les défis et obstacles à surmonter dans la promotion de la femme. On se pavane dans des pagnes et on fait la fête. Tout cela pour voir de telles notes sortir, revivre les mêmes inégalités pour encore plus d’années. Où sont passés les beaux discours, les beaux engagements ? Envolés. C’était juste pour meubler les programmes, duper les gens en leur faisant croire que c’est une cause pour laquelle on milite vraiment.
Combien de temps cela va-t-il continuer ? Allons-nous faire un pas, pour ensuite reculer de deux autres ? Quand allons-nous commencer à concrétiser les engagements pris ? Quand allons-nous enfin reconnaître et remettre à la femme la place qui lui revient ?
Pour moi, le jour où la représentation des femmes dans le gouvernement passera de 30 à 50 %, là un espoir digne de ce nom pourra réellement naître. D’ici-là, bon courage à toutes les femmes. Puissiez-vous être reconnues à votre juste valeur !
Le recul est réel. Jusqu’en 1993, l’Union des Femmes Burundaises (U.F.B) avait amorcé un grand nombre de réformes juridiques en faveur des femmes. Je voudrais proposer que, si possible, un article y relatif soit publié à titre informatif afin de voir l’évolution en matière des droits de la femme et ce qui a reculé.
A l’OBR, les femmes ne voient leurs salaires réduits de moitié. Ce que perçoivent les femmes, en congé de maternité, ce n’est pas un salaire. Le salaire est la contrepartie d’une prestation de travail. Les allocations de maternité doivent être distinguées du salaire, que leur montant soit égal, supérieur ou inférieur au salaire.
Je ne voudrais pas revenir sur les arguments présentés en faveur de la mise en pratique effective du principe d’égalité entre homme/femme. Je pense qu’en attendant que les pouvoirs publics accordent leur violon sur ce domaine pour lequel on voudrait que la coutume soit la seule référence juridique en matière de succession en cas de conflits, il faudrait que la société civile burundaise s’investisse dans la sensibilisation des familles à organiser la succession de manière équitable sans considérer le sexe de leurs enfants. Si les familles sont disposées à procéder de la sorte, les autorités ne pourront en aucun cas s’y opposer. Evitons les conflits familiaux en traitant les membres de nos familles de manière équitable en matière de succession.