L’apport de la diaspora est souvent scruté à l’aune de sa contribution financière. Une autre variable, et non des moindres, est malheureusement souvent négligée, le transfert des compétences.
« Des docteurs africains sauvent des vies britanniques », titrait en avril 2020 le journal science et avenir, pour illustrer la fuite des cerveaux africains qui jettent leurs dévolus sur une carrière en Europe, phénomène qui a été remis à la surface avec la pandémie du coronavirus.
Cela n’est en réalité qu’une petite partie visible d’un grand iceberg. Sur toutes les parties du globe, des ressortissants africains brillent par leurs innovations. Les Burundais ne sont pas d’ailleurs en reste. De la médecine à l’économie en passant par les domaines les moins improbables comme la brasserie, ils s’illustrent.
Mais si ces cerveaux profitent aux pays qui les ont accueillis, ils peuvent aussi l’être pour leurs pays d’origine. Une étude de la Banque mondiale a d’ailleurs montré qu’ « il existe un véritable lien entre la diaspora et le commerce, l’investissement et le transfert de compétences. Dans ce sens, la diaspora peut être un acteur clé du développement dans les pays où elle est basée. »
Au-delà de l’aspect purement salarial qui est mis en avant comme étant la principale cause qui retient à l’étranger les cerveaux issus des pays pauvres, on pourrait se poser la question de savoir l’usage qu’ils feraient de leurs compétences de retour au pays.
Rendre le Burundi attractif pour sa propre diaspora
Il y a peu, le jeune chercheur en cancérologie Daniel Ngabire twittait ceci: « Beaucoup d’entre nous aimeraient revenir mais nous n’aurons pas les mêmes ressources et il est incroyablement difficile de trouver un travail décent sans connexion malgré le fait que je peux voir plusieurs postes vacants où je pourrais être un grand atout pour mon pays. »
Basé en Corée du sud, il est fort probable que ses compétences auraient du mal à trouver un écosystème où elles s’épanouiraient. Les moyens techniques et technologiques qu’il trouve en Corée du sud seraient introuvables et cela nuirait à ses recherches.
Le cas de Daniel Ngabire est loin d’être isolé. Un doctorant inscrit dans une université européenne qui a requis l’anonymat trouve que « le manque criant d’infrastructures adaptés aux besoins du moment peuvent bloquer les envies de revenir. ». Il cite ici le cas de l’Université du Burundi : « Comment voulez-vous que les compétences d’un chercheur soient bénéfiques avec le genre de laboratoires qu’il y a ?», se demande-t-il, un brin de regret dans la voix.
Quid de l’unité de la diaspora ?
Les dissensions qui ont marqué notre société tout au long de son histoire n’épargnent pas la diaspora, hélas ! Loin de la mère patrie, ce n’est pas un bloc homogène qui parle d’une même voix pour, à un certain moment, conjuguer leurs efforts afin d’apporter leurs compétences à travers un cadre bien précis et coordonné.
« Il y a ceux qui sont vus comme pro pouvoir et d’autres des opposants », fait savoir N.K, un ingénieur électricien vivant en Australie. Selon lui, « toutes les initiatives meurent souvent dans l’œuf car elles sont vues à travers ce prisme déformant des sensibilités politiques et freinent une certaine coordination de ce transfert de compétences. »
À l’ère de la mondialisation, le transfert des compétences entre le Nord et le Sud n’est plus une option. C’est une nécessité pour ne pas se retrouver à la traine par rapport à la cadence de la planète. Les enfants du pays installés en occident et ailleurs devraient être un pion stratégique sur l’échiquier mondial pour le Burundi, au-delà du fait d’attendre quelques dollars d’eux.