La mauvaise gestion des dettes publiques fait monter la tension des députés quant aux détournements des fonds publics. Lors de l’analyse du projet de révision de la loi régissant la gestion de la dette publique, il a été révélé qu’aucune stratégie n’a été mise en place pour leur gestion.
Les députés ont analysé et adopté mardi le 26 décembre 2023, le projet de loi portant révision de la loi no1/03 du 7 mai 2016, régissant la gestion de la dette publique. Cette révision intervient pour résoudre moult couacs auxquels fait face ce secteur, a laissé entendre Audace Niyonzima, ministre des Finances. Pour fin juin 2023, la dette publique atteignait un pic de 6 mille milliards de Fbu, dont 70 % de dette intérieure.
Les députés remontés contre le détournement des fonds publics
Les réponses du ministre des Finances ont fait tendre les nerfs des députés. Ils sont restés sans mot dire après avoir entendu que jusqu’ici le pays « du lait et du miel » n’avait aucune stratégie de gestion des dettes. Le député Pamphile Malaika, dubitatif, a confié ne pas comprendre comment nous en sommes arrivés là, parce que, pour lui, le pays a toujours contracté des dettes depuis son existence : « A qui profitait cette gestion opaque ? », a-t-il demandé.
Les députés ont par ailleurs dénoncé l’enrichissement illicite de quelques individus, gestionnaires des projets. Le ministre ne trouvera pas de réponses convaincantes sur une question lui demandant de détailler comment les fonds des dettes sont utilisés. De manière non exhaustive, Audace Niyonzima a informé que les dettes extérieures sont utilisées dans la construction des infrastructures. Il a donné l’exemple de la construction des routes comme la RN16, le tronçon Bururi-Mahwa, la RN5, le tronçon Chanic-Aéroport. Il a aussi ajouté la construction des barrages hydroélectriques.
Les députés ont ensuite pointé du doigt la mauvaise gestion des dettes rétrocédées aux institutions spécialisées, notamment la STNB pour la numérisation de la RTNB ou encore de l’Onatel qui est au bord du gouffre. Ils ont aussi parlé de 57 millions de dollars américains contractés auprès de l’EXIM Bank, une banque indienne pour la construction du barrage Kabu16. Un barrage hydroélectrique dont l’achèvement se fait toujours attendre après 7 ans de travaux en cours. Pour les députés, ces fonds ont fini dans les poches de quelques individus et le fardeau de remboursement tombe sur la population. Lazard Mvuyekure a noté que cela affecte négativement la confiance des bailleurs.
Selon Audance Niyonzima, la nouvelle loi vient résoudre ces défis. Elle met en exergue le renforcement du cadre légal et garantit un suivi rigoureux des institutions susceptibles de contracter une dette publique. Le ministre a précisé qu’un comité technique composé d’experts multisectoriels a été mis en place pour élaborer une stratégie. Le ministre des Finances sera désormais informé de tout ce qui est de la gestion des dettes publiques des entreprises publiques, parapubliques et des collectivités locales.
Quand Ndabirabe demande aux députés de proposer des solutions
Ce qui n’est pas dans son habitude, Gélase Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale, après une séance des questions, a demandé avec insistance aux députés de proposer des recommandations sur le traitement de ces mauvais gestionnaires de fonds publics. Il est convaincu que le pays ne peut pas décoller économiquement. « Il nous faut donc des sanctions exemplaires aux mauvais gestionnaires des fonds publics », a-t-il insisté avant de continuer : « N’ayez pas peur. Proposer des sanctions sans détour parce que les mauvais gestionnaires sont là et continuent à enfoncer le clou dans la plaie de l’Etat ».
Si Ndabirabe voulait des sanctions directes proposées par les députés, ces derniers ont plutôt proposé des mécanismes permettant de limiter les mauvaises gestions.
L’honorable Agathon Rwasa a pris la parole en premier et a suggéré des punitions conformément à la loi sans distinction aucune. « Ce n’est pas possible qu’un voleur de bananes soit mis en prison alors que celui qui a détourné des milliards se la coule douce librement et continuer à vider les caisses de l’Etat ». Qu’il rembourse et purge la prison ferme. Encore plus, il faut saisir tous les biens du fauteur. Rwasa fait référence à l’affaire Bunyoni.
Pascal Gikeke, quant à lui, s’est désolé « des ministres qui nous donnent des réponses dormeuses et nous restons tranquilles ». Il est outré par l’affaire de l’arrêt de la production du sucre par la Sosumo suite aux fortes précipitations. « Depuis son existence, avez-vous entendu une seule fois cette problématique ? ». Pour lui, la solution, c’est l’amélioration de la bonne gouvernance dans tout. Il a illustré cela avec des exemples gênants, touchant tous les côtés qui pourraient être l’origine des détournements.
« Qui sont les investisseurs d’une nouvelle usine de fabrication de l’engrais à en construction Bugendana ? Il n’y a eu aucun appel aux investisseurs pour placer des actions. Vous trouverez que ce sont les enfants des décideurs. Ce sont eux qui détournent le trésor public ». Il a aussi parlé des activités des partis politiques. « Vous trouverez des gens qui cotisent des centaines de millions dans un parti politique. Des gens qui contribuent 300 millions quelque part alors qu’ils ont détourné 500 millions ». Pour lui, ce sont ces personnes qui font le détournement des fonds publics.
Pour clore, le président de l’Assemblée nationale a proposé d’exposer partout dans les médias, les visages des mauvais gestionnaires pour que le monde les connaisse.