La Banque de la République du Burundi (BRB) a édicté, en octobre 2019, le règlement n°003/2019 portant constitution et gestion des garanties en couverture des prêts aux établissements de crédit. Le leitmotiv était de rendre plus accessibles les crédits aux secteurs porteurs de croissance. La décision a-t-elle permis d’atteindre le résultat escompté ? Eclairage.
Cette révision s’inscrit, lit-on sur le site de la banque centrale, dans l’objectif de contribuer à la promotion de la croissance économique à travers la mise en place d’un cadre de refinancement spécial des secteurs porteurs de croissance.
Les secteurs comme l’agro pastoral et l’industrie, avec un accent particulier sur le développement des chaines de valeur et la promotion des exportations et la substitution aux importations, sont ceux portés sur le devant de la scène par le gendarme de l’économie nationale.
Pour rappel, selon un rapport de la BRB de 2019, la ventilation des crédits par secteurs d’activité plaçait l’agriculture à 1.74%, le secteur café à 1.34%, l’industrie à 4.73%. Le gros des crédits étant partagé entre le commerce (32%), les constructions (17.12%), et les autres (39.51%).
Le couple taux d’intérêt-maturité, point saillant du nouveau règlement
L’innovation de taille de cette nouvelle réglementation repose sur le couple taux d’intérêt-maturité joint à ce type de concours, faisait savoir il y a peu, l’Administrateur Directeur Général de la Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) lors d’un cocktail organisé à l’intention de sa clientèle. Il a saisi cette occasion pour appeler les investisseurs qui explorent les secteurs porteurs de croissance de profiter de cette possibilité qui leur est offerte.
Abondant dans le même sens, un cadre de la banque centrale a indiqué « les points saillants qui devraient interpeller les jeunes entrepreneurs ». Parmi ces points saillants il citera « la dérogation de ne pas présenter les états financiers pour les promoteurs non organisés en entreprises structurées, la possibilité pour les institutions de Micro finances de présenter, en guise de garanties et via les banques commerciales, des effets de commerce tirés sur elles-mêmes et endossés en faveur de la BRB », toujours dans l’optique de tendre la main à ceux évoluant dans la marge du circuit bancaire, précisera-t-il.
Sur la liste des nouveautés, on trouve également le taux de refinancement qui passe à 2% (si les banques financent directement les projets) et 1% s’ils refinancent les micros finances. Faut-il encore le rappeler, le taux d’intérêt sur les opérations de refinancement était de 5.63% en 2019. Par ricochet, le taux d’intérêt débiteur sera au maximum à 8%, alors qu’il avoisinait les 16% en 2019. Le même taux sera désormais couplé à une maturité pouvant aller jusqu’à 10 ans, et donc en hausse de 3 ans.
Une rubrique absente des bilans bancaires…
Il a été constaté que les secteurs porteurs de croissances restent les grands absents des principales masses des bilans bancaires. Les chiffres au 30 septembre 2020 sont là pour le prouver. A titre d’exemple, les 111.116.369.000 de BIF octroyés par la BANCOBU étaient repartis comme suit : la rubrique crédits de trésorerie, avec sous-rubriques les crédits de campagne et de financement de stock et d’autres crédits de trésorerie, accumule 28%. 47% sont des crédits à l’équipement aux entreprises, aux collectivités locales et autres. 11% reviennent à la consommation ; 12% à l’immobilier dont les crédits à l’habitat et les crédits immobiliers aux promoteurs.
Même constat au sein de l’Interbank Burundi. Sur un total de 102.991.880.000 de BIF, 58% sont des crédits de trésorerie dans lesquels on trouve les créances commerciales et autres crédits de trésorerie. 28% sont réservés aux crédits à l’équipement aux entreprises et autres. 0.32% représentent les crédits à la consommation et enfin 16% sont des crédits immobiliers dont les crédits à l’habitat et crédits immobiliers aux promoteurs.
Il va sans dire que les secteurs porteurs de croissance n’apparaissent pas ou sont peut-être regroupés dans les sous-catégories « autres », ce qui souligne le peu d’importance qu’on leur réserve.
…mais plus que nécessaire
Elias*, entrepreneur en herbe à la tête d’une société regroupant 9 jeunes affirme être au courant des facilités mises en place par la BRB. Mais pour lui et ses amis, il y a encore anguille sous roche. «Nous disposons depuis bientôt deux ans, d’un projet de multiplication de semences sélectionnées. En nous présentant dans les banques, la première question qu’on nous a posée a été de savoir si nous avions une garantie pouvant couvrir les 7 millions que nous voulions. »
La garantie, c’est cette même entrave à laquelle s’est heurté Jean* qui espérait pourtant l’avoir surmontée. La désillusion a été totale : « Je n’ai pas pu démarrer mon projet de pisciculture car la garantie que j’ai présentée a été pondérée à 6,8 millions de Fbu seulement sur un budget de 12 millions Fbu.»
De l’avis d’un économiste, «le secteur agro-pastorale a un problème plutôt particulier. Il a longtemps porté l’étiquette d’un secteur à risque élevé pour diverses raisons, entre autres : les aléas climatiques, maladies des plantes et des animaux, etc. Ce qui fait que peu de projets de ce secteur reçoivent des crédits. Les rares projets reçus par les banques sont soumis aux conditions plus strictes.» Pourtant, un secteur clé comme l’agriculture qui fait vivre 9 Burundais sur 10 devrait logiquement avoir la plus grande masse bilantaire des états financiers des institutions de crédit, relève l’expert.
Une rubrique « Crédits aux secteurs porteurs de croissance » est donc nécessaire pour bien suivre l’évolution des crédits y affectés et redresser la barre à temps en cas de nécessité. Cependant, on ne devrait pas non plus écarter la possibilité pour la BRB ou l’Etat d’avaliser les investisseurs ne pouvant pas garantir des projets bénéfiques et rentables.