Dans tout système sanitaire, le contrôle et la régulation des médicaments sont incontournables. Dans un pays où la majeure partie des médicaments est importée, la réglementation des circuits du médicament exige plus de rigueur. Au Burundi, ce secteur, est-il efficient ? Quels sont les limites et les défis auxquels il est confronté ?
Tout ce que nous consommons influence notre santé. S’agissant des médicaments, il faut ménager une attention particulière quant à leur qualité et leur sécurité. Un moindre manquement peut emporter des vies.
Imaginez que vous souffrez de la malaria et que vous achetez un médicament anti malarique dans une pharmacie. Mais au lieu de vous guérir, ce médicament vous rend encore plus malade. C’est le risque que vous courez si vous consommez un médicament de qualité inférieure ou falsifié.
Le contrôle des médicaments : un impératif
Actuellement, le médicament est sans conteste un objet industriel au cœur d’un business juteux. Ce qui rend le secteur du médicament un domaine sensible et confronté à de nombreux défis.
D’après les données de l’OMS, un produit médical sur dix circulant dans les pays en développement est soit de qualité inférieure, soit falsifié. Ces médicaments sont dangereux pour la santé des consommateurs. Par ailleurs, cela entraine une perte de confiance dans les médicaments, les prestataires de soins et les systèmes de santé. C’est pourquoi le contrôle de la qualité et de la sécurité des médicaments est indispensable.
Au Burundi, cette mission est assurée par l’Autorité Burundaise de Régulation des Médicaments à usage humain et des Aliments (ABREMA). Cette autorité vise à protéger la santé publique en promouvant les normes sanitaires des produits médicaux et alimentaires. Dans les lignes suivantes, nous allons découvrir les limites et les défis de cette institution.
Autorité immature ?
La genèse de l’ABREMA remonte au 30 mars 2012 à Arusha avec le lancement du programme communautaire d’harmonisation de la réglementation des médicaments dans les pays de la Communauté Est-Africaine. Cependant, l’ABREMA n’a vu le jour qu’en 2021, après neuf ans de retard. Ce caractère jeune lui confère une immaturité dans sa configuration, ce qui fait que certaines de ses missions ne sont pas encore effectives.
Ainsi, en ce qui concerne l’affermissement du cadre légal, Dr Phn Dedith Mbonyingingo, le Directeur Général de l’ABREMA, précise : « Dans ces premières années, nous avons un défi en rapport avec les textes légaux qui sont insuffisants. Actuellement, notre tâche majeure est de faire en sorte que ces documents soient élaborés et validés. C’est vrai que nous avons eu un retard, mais nous nous y attelons. »
Le directeur général de l’ABREMA révèle également que le Burundi est encore au niveau 1 de maturité selon l’outil mondial d’analyse comparative de l’OMS, (qui classe les systèmes de réglementation selon leurs performances en quatre niveaux de maturité). Il appelle à un effort d’harmonisation des normes réglementaires internationales et à un rattrapage des pays de la sous-région qui sont en avance, comme la Tanzanie qui est au niveau 3 de maturité.
Quête d’autonomie
Le décret N0 100 ̸ 039 du 26 Février 2021 définit les modalités de création, d’organisation et de fonctionnement de l’ABREMA. Selon l’Article 1, cette autorité devrait jouir d’une autonomie de gestion, d’un patrimoine propre. Ce qui n’est pas le cas. Par exemple, Dr Phn Mbonyingingo reconnaît que le recrutement du personnel et la fixation des salaires dépendent encore de la fonction publique.
Sur le côté financier, le numéro un de l’ABREMA, éclaire notre lanterne : « L’autonomie financière de notre institution dépend de ce qu’elle a dans ses caisses. Ainsi, c’est là où est la nécessité du texte légal sur la tarification de nos services. Et c’est par les recettes conséquentes qu’on pourra revendiquer cette autonomisation. Du moment où l’autorité dépend totalement du budget de l’Etat, l’autonomisation financière est loin d’être effective. Pour l’exercice budgétaire 2023-2024, le montant alloué à l’autorité s’élève à 600 millions BIF. Ce qui reste insuffisant pour le bon fonctionnement. »
Des lacunes techniques
Comme toute nouvelle institution, l’ABREMA doit faire face à de nombreux défis. Dr Dedith Mbonyihankuye, déplore le manque de ressources humaines, tant en quantité qu’en qualité. Il affirme également que l’autorité ne dispose pas d’un laboratoire de grande envergure adéquat. Il reconnaît que le Mini-LAB utilisé dans le département du Laboratoire a ses limites : « Notre Mini-LAB permet le contrôle qualitatif d’une gamme limitée de lot de médicaments. Cela est à l’origine de médicaments de qualité inférieure pouvant échapper au contrôle et passer en vente. », confie une source anonyme au sein de l’ABREMA.