article comment count is: 4

Chronique judiciaire : 10 ans de calvaire, une justice au bout du compte

Elle n’a pas défrayé la chronique dans les médias burundais, mais elle a créé des remous dans une banlieue parisienne. C’est l’histoire d’un procès qui a eu lieu en France. Un Burundais a été maltraité pendant plus de 10 ans…par des Burundais. Heureusement que la justice française a eu vent de l’affaire. De Muyinga à Ville-d’Avray, Méthode Sindayigaya en a vu de toutes les couleurs. Au bout d’un procès qui a tenu l’Hexagone en haleine, il file des jours heureux aujourd’hui avec sa famille. 

Méthode Sindayigaya est originaire de Muyinga. Agriculteur de son état, il vivait une vie tranquille avec sa femme et ses deux enfants, jusqu’en 2007. Un beau jour, un ami de la famille lui fait une proposition que peu de Burundais refuseraient : partir travailler en France. On n’exagère pas, pour un pays qui a 65% de chômeurs, si on peut avoir un boulot, même à Bujumbura, on y va les yeux fermés. Méthode, lui, se voit proposer un job en Europe, c’est une aubaine qu’il ne faut pas rater. Qui plus est, il aura pour patrons des Burundais. Plus besoin d’apprendre la langue à la vitesse V, plus besoin d’une intégration difficile et compliquée dans le monde du travail européen. Il saisit la chance. Et le voilà à Ville-d’Avray. 

Le début du calvaire

Méthode devait partir travailler en France pour le compte de la famille Mpozagara. Ce dernier est un ancien ministre de la justice et ancien fonctionnaire de l’Unesco, installé en France depuis longtemps. Les mois dureront dix longues années sans que Méthode ait vu, une seule fois, sa famille qu’il avait laissée à Muyinga. De 2008 à 2018, Méthode est contrait de « travailler » pour la famille Mpozagara. Contraint, parce que son passeport lui sera confisqué et il sera réduit en esclave. Libération, un journal français qui a suivi l’affaire, rapporte les propos de Méthode au tribunal : « J’étais réduit en esclavage, raconte-t-il pudiquement à la barre. Ils me donnaient au mieux 50 ou 100 (mille) francs burundais tous les deux mois, ce qui correspond à peu près à 20 euros. Chez moi, au moins, je cultivais les légumes, j’avais une femme, et deux enfants. Je suis parti pour travailler pendant trois mois en France, et j’y suis resté dix ans ».

Le dénouement 

Libération rapporte qu’au total, la famille Mpozagara a versé à Méthode 5,7 millions de Fbu sur les 10 ans qu’il a passé à leur service, ce qui équivaut à 225 Euros par an ( soit 787500 Fbu par an ou 65 625 Fbu par mois), un salaire inacceptable dans un pays ou le Smig ( Salaire minimum interprofessionnel garanti) est de 1498,47 Euros (5 244 645 Fbu) par mois en juin 2018. En plus de ce salaire dérisoire, Méthode était un homme à tout faire : cuisiner, nettoyer la maison et surtout prendre soin d’un enfant de la famille Mpozagara qui était autiste. Plus grave encore, il parait que Méthode devait s’agenouiller pour saluer les membres de la famille Mpozagara. La police française a été avertie par un voisin et des ouvriers qui étaient venus faire les travaux de réparation qu’il y avait un homme enfermé dans le domaine de la famille Mpozagara, et la phase judiciaire a pu commencer.

A la  barre

« En octobre 2019, ils (les Mpozagara) avaient été condamnés à deux ans de prison avec sursis et 70 000 euros de dommages et intérêts par le tribunal correctionnel de Nanterre », rapporte Libération. La cour d’appel de Versailles  a confirmé la sentence de la première instance et les a condamnés à la même peine de prison. Il leur était reproché 3 chefs d’accusation, à savoir : « traite d’être humain, travail dissimulé et aide à l’entrée et au séjour irréguliers ».  Cette cour a également condamné les époux Mpozagara à verser des dommages et intérêts à Méthode de 50 mille Euros pour atteinte à la dignité et 20 mille Euros en guise de réparation du préjudice affectif que Méthode a subi en ne voyant pas Léoncie, son épouse, Sandrine et Patrick ses deux enfants pendant plus de 10 ans. Une procédure a aussi été entamée au civile pour réclamer les salaires dont le montant a été estimé à 528 000 Euros (1 848 000 000 Fbu) par l’Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales) qui n’ont pas été versés à Méthode tout ce temps. 

Des antécédents 

Candide et Gabriel Mpozagara n’en étaient pas à leur première condamnation. Ils avaient déjà été condamnés en 2007 en France mais relaxés en appel dans un dossier similaire qui concernait deux nièces venues du Burundi, comme nous lisons dans les colonnes du journal le Citoyen 28 mars 2021. Les Mpozagara  ont été condamnés à verser 30 mille Euros à Chantal et sa sœur, leurs nièces qu’ils avaient fait venir du Burundi, pour les avoir exploitées entre 1994 et 1998 comme domestiques sans les rémunérer. Ça aussi, nous l’avons découvert sur le site du journal Libération dans sa publication du 18 février 2021. 

Aujourd’hui, Méthode vit toujours en France où il a obtenu un statut de réfugié. Sa famille l’a rejoint  en 2019. 

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (4)

  1. Je conçois mal un burundais soi-disant instruit qui ose inhumaine ment exploiter son frère alors que celui qui devrait assurer sa sécurité sociale

  2. Malheuresement, ils ne sont pas seuls dans cette situation. Je connais un cas où des policiers Espagnols nous ont amaner un gars de Bujumbura rural qui avait été abusé de la sorte.