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Le calvaire des Batwa pendant les périodes de crise

Le Burundi a connu des crises socio-politiques depuis le lendemain de son indépendance. Des milliers de Burundais ont été massacrés, d’autres contraints à l’exil. La communauté minoritaire des Batwa n’a pas été non plus épargnée.

Tous les Burundais ont été touchés par les crises répétitives qui ont marqué l’histoire de notre pays. Les composantes sociales ont toutes souffert, mais pas de la même manière. Dans certaines régions du pays, les Batwa, stigmatisés et rejetés par les deux composantes, ont été spoliés, exploités et entrainés de force dans ces crimes. « C’était un véritable calvaire », confie André Baravungwa, un père de famille de cette communauté natif de la province Bubanza. 

La spoliation de leurs terres

« Toutes les crises nous ont touchés et ont freiné notre développement », déclare Gervais Ndihokubwayo, un jeune homme natif de la province Mwaro qui milite pour l’éducation des enfants Batwa. Il indique que sa famille avait déjà atteint un certain niveau de développement en 1972. « Notre grand père avait même des vaches », affirme-t-il. Lorsque la crise de 1972 a frappé, deux jeunes de sa famille qui avaient terminé l’école secondaire ont été tués. Pour Ndihokubwayo, ils auraient été tués sur procuration. « Je pense que nos voisins ont profité de la crise pour éliminer ceux qui auraient pu défendre notre terre », explique-il. Pendant la crise de 1993, leur propriété fut presque totalement confisquée par leurs voisins. « L’affaire est toujours devant la justice », indique-il.

La famille de Baravungwa aurait aussi été spoliée. Originaire de la province Bubanza, il indique que les terres qui leur avaient été octroyée à la suite du décret-loi du président Jean Baptiste Bagaza abolissant l’institution d’Ubugererwa en 1977, leur ont été retirées. « Après la guerre, nous avons trouvé qu’il ne restait qu’une infime partie de notre terre. » Interrogé sur la question de savoir s’ils ont porté plainte, Baravungwa dit qu’il leur est impossible de le faire à cause de la pauvreté.

Avec la récente crise de 2015, Ndihokubwayo dit avoir perdu un soutien matériel et moral de taille. Les Suisses qui soutenaient tous les élèves de sa commune sont partis. « Ils m’aidaient beaucoup et j’avais la promesse d’une bourse en Europe après mes études secondaires », regrette-t-il. Pour lui, les minorités devraient bénéficier d’une protection spéciale de l’Etat pendant les crises. 

Ségrégation et exposition à la mort

Encore jeune, Ndihokubwayo a souffert de la solitude et du rejet de sa communauté pendant les moments difficiles. « J’étais au Lycée Don Bosco. Alors que mes camarades se divisaient en groupes ethniques, personne ne pouvait tolérer ma présence que ce soit du côté des Hutu ou des Tutsi », raconte le jeune homme avant d’ajouter : « Cela alors qu’ils étaient tous mes camarades ! Je restais à l’écart et me sentais très humilié par cette situation ». 

D’autres indiquent que beaucoup de Batwa ont été tués ou contraints de servir dans des crimes à cause de la ségrégation et la stigmatisation. « Il n’était pas possible de suivre le groupe des hutus ou des tutsis en fuite. Souvent, les rebelles ou les militaires de l’armée régulière nous tiraient dessus car nous étions restés au village », raconte Baravungwa très émus. Celui-ci affirme avoir perdu six de ses enfants dans ces circonstances. Aujourd’hui, ce cinquantenaire n’en a que deux avec qui il vit à Buterere. 

Alexis Nibigira, chargé du programme de prise en charge psychosociale au sein de THARS (Trauma Healing and Reconciliation Services) affirme que la communauté des Batwa a connu des difficultés particulières pendant les crises, d’où l’intérêt dit-il, « de réserver un traitement particulier au dossier des Batwa en tant que communauté minoritaire. »

 

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