A la veille de son indépendance, le Burundi connaissait plusieurs partis politiques. La situation va évoluer autrement lorsque le Burundi vire dans un régime à parti unique avant de renouer avec le multipartisme au début des années 1990. A Ngozi, un débat a tourné autour du sujet.
Au cours de ce débat un tout petit peu froid, Hermenegilde Sigahurahura, retraité, nous informe que l’avènement des partis politiques coïncide avec les dernières années de la colonisation belge. Néanmoins, poursuit-il, le multipartisme n’a pas fait long feu. « Il a été étouffé dans la fleur de son âge. Les régimes militaire se sont installés et ont proclamé l’Uprona comme parti unique », déplore-t-il.
Prenant la parole, Isaac Gapfunsi pense que le basculement du Burundi dans le monopartisme est l’œuvre de l’OUA. Selon lui, c’était le mode de gouvernance à la une sur tout le continent africain lors de cette époque. Quant à Jeanine Nkunzimana, elle trouve que le multipartisme a toujours existé au Burundi. Le problème, fait-elle remarquer, les partis au pouvoir ont toujours tendance à monopoliser l’espace politique. Une idée soutenue par Charles Bizimana. D’ailleurs, il va loin et ampute la suppression du multipartisme à l’Uprona.
L’assassinat de Rwagasore sonne la « mort » de partis
Pour le professeur Denis Banshimiyubusa, le multipartisme a, certes, existé mais son bilan est mi-figue mi-raisin. Pour rappel, le Burundi connaissait vingt six partis politiques à la veille de son indépendance. Parmi les retombées du multipartisme, le politologue cite d’une part l’accession du royaume du Burundi à l’indépendance. D’autre part, il évoque l’assassinat du prince Louis Rwagasore dans un complot ourdi par les grands ténors du PDC, rivale idéologique de l’Uprona. Reconnu coupable de ce crime, Joseph Ntidendereza et Joseph Birori, patrons de ce parti et véritable cheville ouvrière de la coalition du Front commun. Pour monsieur Banshimiyubusa, l’opposition devenue orpheline de ses dirigeants, ne pourra survivre à cette tragédie. Ainsi de 1961 à 1966, le Burundi a peu à peu basculé dans un monopartisme de fait. La scène politique était quasi dominée par l’UPRONA. Le professeur Banshimiyubusa souligne que c’est le Roi Ntare V qui va proclamer le monopartisme de droit au Burundi. L’arrêté royal fut signée le 23 novembre 1966. Cinq jours plus tard, le capitaine Micombero le déposait et abolissait la monarchie. Ironie du sort.
Le « come-back » du multipartisme
Hermenegilde Sigahurahura ne mâche pas ses mots. Pour lui, le retour du multipartisme n’est pas l’œuvre des gouvernants de l’époque. Il fait savoir qu’il y a eu une pression internationale de la part de la France. Faisant allusion à la conférence de la Baule, il montre que ce pays a menacé de couper les aides au developpement. «Le multipartisme a coïncidé avec la venue de la charte de l’unité nationale en 1991. Cela a été concrétisé par la constitution de 1992. Cette dernière a ouvert la voie à la société civile», indique-t-il.
Pou sa part si Denis Banshimiyubusa admet que la pression des occidentaux y est pour quelque chose, il estime qu’une donne n’est pas à négliger : la volonté des décideurs de l’époque. Notamment, le président Pierre Buyoya qui a compris qu’après les évènements de Ntega-Marangara, une ouverture de l’espace politique était un impératif.
Selon Isaac Gapfunsi, les répercussions de la crise de 1972 vont se manifester lors du retour du multipartisme : « Avec la formation des nouveaux partis politiques, les gens vont se cristalliser derrière leurs appartenances ethniques », déclare-t-il. Et ce ne sera pas sans conséquence comme on y reviendra.