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Burundi : la crise des billets en mille et une questions

La mesure de retrait des billets de 10 000 et 5 000 Fbu a fait les choux gras des médias burundais. Mais, ces derniers ont surtout évoqué ses effets sans se pencher sur les causes profondes à l’origine de ce coup de massue qui vient d’être asséné aux Burundais. Dans un court débat, des blogueurs de Yaga se sont prêtés, à deux jours de la fin du délai fixé pour échanger les anciens billets, au jeu de question-réponse. Suivez-nous dans la réunion de rédaction. 

« On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs », dit un adage français. Si cela peut être appliqué à la situation financière qui prévaut actuellement, c’est dans la douleur que le remplacement des anciens billets est en train d’être effectué.  

C’est la course contre la montre. Tout le monde veut se débarrasser des futurs anciens billets de 10 000 et 5 000 Fbu. La barre a été placée haut, très haut : « azocika ibipapuro », avait averti le Chef de l’Etat, il y a quelques mois. Dans la saga, un nouveau métier nous est né : le « squatteur des banques ». C’est le sauve-qui-peut. La date buttoir du 17 annoncée par la BRB arrive vite.  

Dans les banques et microfinances, c’est le chaos. Le service, naturellement lent de ces établissements, fait pitié. Le timing, s’y est mis aussi pour sévir. Le Customer care ? Oublions ça, pour l’amour des dieux. Les banquiers en ont plus besoin que les clients. C’est le monde à l’envers.     

Et les médias dans tout ça ? 

C’est la précipitation. Il n’y a pas de temps à perdre à chercher de savoir comment on en est arrivé là ? A Yaga, les choses prennent une autre allure. Le débat, c’est notre habitude. Le changement des billets, le sujet est plutôt neuf. « Il faut d’autres angles de traitement. Secouez vos caput les gars ! », lance le rédacteur en chef.   

Un de nos confrères se jette à l’eau le premier : « C’est comme un arbre à problèmes ». Silence de sépulcre. Celui-ci passe trop son temps à écrire des projets, voilà pourquoi personne ne semble comprendre son idée. Il s’explique : « Les problèmes que nous vivons maintenant sont comme les feuilles de l’arbre, la partie visible de l’iceberg. Si le problème principal est celui annoncé par la BRB dans son interview exclusive à Iwacu ; ce qui fait le tronc de notre arbre, les racines qui alimentent et le reste sont plutôt profondément enfoncés dans le sol. Il faut creuser. » Trop énigmatique, celle-là. Voyons comment. 

« Pourquoi la circulation fiduciaire dans le circuit informel a-t-elle augmenté ? »

C’est la question que pose le rédac-chef. Mais, c’est surtout la première raison avancée par la BRB, le 7 juin, quand la mesure de remplacement des billets a été annoncée. L’un des blogueurs, économiste de formation, tente une justification : « Cela pourrait être dû à un manque de confiance dans le système bancaire formel, à des difficultés d’accès aux services bancaires, à des contraintes réglementaires ou fiscales excessives, ou encore à une préférence culturelle pour les transactions en espèces. » Et de nous rappeler : « Souvenez-vous que nous en avions parlé dernièrement, lors de notre dossier sur les mesures de la BRB sur les tontines ».  

A peine avait-il terminé son propos, qu’un autre blogueur réplique : « Ce qui se passe est plutôt dû aux fameuses sommes d’argent illicitement amassées par les grosses pontes du régime en dehors du circuit bancaire. Rufyiri et compagnies ont toujours dénoncé les détournements des fonds, la gabegie et la corruption depuis des années. Ce sont ces mêmes personnes qui, maintenant veulent se la jouer banques elles-mêmes. », lui est un activiste, comprenez son idée.  

« Pour ne pas avoir répondu à l’appel du chef de l’Etat, ce sont les fraudeurs eux-même qui auraient donné le bâton qui les frappe maintenant. Mais, l’affaire n’est pas aussi simple. Les honnêtes citoyens perdront aussi des plumes dans cette histoire », glisse la mukizwa (born again) de la maison.

Cela est d’autant vrai que même si la BRB fournit des efforts pour distribuer les nouveaux billets, il faut savoir que ses équipes atteindront difficilement ou pas du tout chaque coin et chaque colline du pays. 

« Mais, ils seraient très malins, ces grossistes illégaux de notre argent. Mais comment leurs magouilles affectent-elles les activités des banques ? Et de l’économie générale ? » 

C’est de nouveau le rédac-chef qui relance le débat. Décidément celui-là, il ne va pas nous lâcher de si tôt. Un autre blogueur, lui aussi économiste de formation, nous partage sa réflexion : « Lorsque la circulation des billets de monnaie augmente dans le circuit informel, les dépôts dans les institutions financières diminuent. Cela réduit les ressources disponibles pour les banques et les microfinances. Ça handicape également leur capacité à accorder des crédits et drainer l’épargne. » Et d’ajouter qu’ainsi, ces institutions ne servent plus à rien.

« Quant à la BRB, elle se retrouvera vite en incapacité d’exercer sa mission de contrôle de la circulation monétaire », renchérit un blogueur qui l’a compris. 

Voilà donc pourquoi la BRB a choisi de tacler tout le monde avec ses mesures, arguant que « 60% des billets de banque de 10 000 et 5 000 Fbu se trouvent en dehors du circuit bancaire », comme l’a souligné le Gouverneur de la BRB. 

« Mais alors, une question rhétorique : pourquoi a-t-il fallu attendre que la situation atteigne ce seuil critique ? Où était la BRB tout ce temps ? », demande dubitativement notre mukizwa. Tout le monde se regarde dans les yeux, personne n’y répond. Place aux solutions.  

Mais alors, « en quoi le retrait des billets de 10 000 et 5 000 Fbu datés de 2018 et leur remplacement par de nouveaux billets datés de 2022 peuvent-ils aider à résoudre le problème de l’instabilité des activités financières ? » 

Notre chef a des questions et il veut des réponses. Quelle solution ? Le médecin de la boite se risque à une improbable comparaison : « C’est ce qu’on appelle antibiothérapie en médecine ». Pardon ? Et d’expliquer : « Dans l’organisme, lorsque les germes de la maladie se multiplient ou deviennent de plus en plus virulents, le médecin donne des antibiotiques. C’est pour stopper leur prolifération et anéantir leur pouvoir de nuisance. » 

Aho ! En quoi cela est lié à la situation actuelle ? Selon lui, ce retrait vise à déposséder ces individus devenus banques, remettant ainsi le pouvoir aux banques formellement reconnues. Et la BRB regagne en totalité son pouvoir de contrôle de la monnaie en circulation. 

L’illustration est plutôt bien choisie. Sauf que, et là, c’est de nouveau la mukizwa qui charge, « si le médicament est très dosé, on peut aboutir au résultat inverse ». Elle s’explique : « Ces riches indignes vont échanger les Fbu contre les devises ou tout simplement acheter des avoirs en nature ou encore emmener leur argent à l’étranger ; ce qui risque également d’étrangler notre économie. » 

Le médecin l’avait vu venir celle-là. Il avait sa réponse déjà prête, au bout des lèvres : « Autant un médicament est toxique aux germes pathogènes, autant il l’est aux cellules de l’organisme. » Un militaire aurait parlé de dommages collatéraux même en cas de frappes chirurgicales, continue-t-il, accueilli par des rires de toute la rédaction.

Que dire des mesures qui seront prises pour faciliter l’échange des anciens billets en circulation ? Quelles sont les implications pratiques de ce processus pour les individus et les institutions financières ?

L’un de nos deux économistes reprend la parole. « En temps normal, les mesures à prendre pour faciliter l’échange des anciens billets pourraient inclure des périodes de transition suffisamment longues, des points d’échange dans les banques et les institutions financières, ainsi que des campagnes de sensibilisation pour informer le public sur la procédure d’échange. » Mais, voyez-vous, nous n’en sommes pas à la normalité des temps.  

Ici, la question cruciale est de savoir ce que deviendront les billets légalement acquis mais qui ne seront pas encore échangés à la date fatidique, rétorque la mukizwa. Une question à un million de dollars. La pression qui s’exerce sur les banques, seul Dieu sait. « Leur travail exigeant minutie, le risque de commettre de graves erreurs augmente ; ce qui pourrait aller jusqu’à coûter des pertes ou la fermeture aux moins robustes », regrette l’économiste avec un regard désespéré.   

Comment envisager l’avenir ?

Pour clore le débat, nous abordons l’avenir. Qui sait, peut-être serait-il plus souriant que les visages que nous arborons ce matin.

« La BRB pourrait envisager d’autres initiatives pour renforcer la stabilité financière, telles que l’amélioration de la réglementation et de la surveillance des institutions financières, la promotion de l’inclusion financière pour faciliter l’accès aux services bancaires formels, et la sensibilisation du public sur les avantages des transactions formelles », lance l’économiste, en bon scientifique. 

« Non ! », s’oppose notre activiste, doigt et yeux levés vers le ciel. « Aussi longtemps que nous resterons champions en corruption et malversations des biens publics, l’histoire ne manquera de se répéter »

Soudain, la mukizwa qui semblait méditer sur les propos de l’activiste, murmure : « Il faut prier, beaucoup prier »

Nous clôturons ainsi notre réunion de rédaction. Prier, il n’y a plus que ça à faire de toutes les façons.

 

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Les commentaires récents (2)

  1. Bonjour,
    Il y a la diaspora burundaise qu’on a oublié dans l’annonce de la BRB,sur les retraits de la circulation de billets de 5.000 fbu& 10.000 fbu. Les banques étrangères n’acceptent pas le fbu,le MAE/BRB ne pourraient ils donner les directives aux ambassades à ces burundais vivant à l’étranger ?