Le secteur agricole au Burundi, selon la Banque mondiale, emploie 80% de la population. Mais, il est en danger si rien n’est fait. La cause ? Le changement climatique. Décryptage.
Salvator Busokoza est agronome. Depuis 35 ans, il a été l’agronome communal de Kirundo. La province Kirundo, située exactement à 196,4 km de Bujumbura, a connu pendant longtemps, plusieurs périodes de sécheresse dont les récentes datent de la fin des années 2010 (2008, 2009, 2010) : « En 2010, la population a souffert. Elle ne pouvait plus cultiver. La pluie avait arrêté de tomber. Les champs sur les collines étaient secs. Beaucoup d’habitants ont dû fuir vers le Rwanda », témoigne le vétéran agronome. Comment une province, autrefois considérée comme le grenier du Burundi, est-elle devenue « l’homme malade du Burundi » ?
Kirundo, autrefois grenier du Burundi
Salvator Busokoza a été témoin des effets qui ont été causés par ces nombreuses périodes de sécheresse. Puiser au fond sa mémoire pour retrouver ses souvenirs les plus douloureux n’est jamais chose facile, mais Salvator est brave. La force de l’âge aidant (bientôt, M. Busokoza aura 58 ans), il se confie : « La commune Bugabira a été la plus touchée par la sécheresse. Pour la commune Busoni, c’était sa grande partie qui a été affectée, et quant à la commune Kirundo dont j’étais l’agronome, c’était une petite partie seulement. Mais l’impact a été si grand qu’on a dû demander de l’aide. ». Ce May Day dont parle M. Busokoza a bel et bien été lancé. Plusieurs provinces et autres institutions du pays ont envoyé des vivres à Kirundo. Les images à la télévision d’une population (en majorité agricole), aux mines exprimant une profonde détresse, recevant de la part des autorités des denrées alimentaires, restent dans nos mémoires. « On a vécu des périodes dures », se souvient Salvator Busokoza.
Il faut mentionner un point important : Kirundo, autrefois surnommée « le grenier du Burundi » pour ses terres fertiles et ses récoltes abondantes, fait face aux effets du changement climatique, dont la sécheresse. D’après la Troisième communication nationale sur les changements climatiques (TCNCC) de 2019, la dépression du Bugesera au Nord-Est du Burundi (région dans laquelle se trouve la province de Kirundo et une petite partie de la province Muyinga), « depuis bientôt deux décennies, la région subit une forte perturbation agricole qui a comme corollaires la famine, la perte des vies humaines et du bétail, le déplacement des populations ».
Le grenier du Burundi vit-il ses derniers jours ? « Les terres restent fertiles à Kirundo. Il faut voir les récoltes quand il y a assez de pluie ou quand il y a assez d’irrigation. C’est le paradis ! », confie avec un brin d’optimisme l’ancien agronome communal, aujourd’hui travaillant à la Direction provinciale de l’agriculture et de l’élevage (DPAE) de Kirundo, Salvator Busokoza.
Malgré cet optimisme, la province continue de subir les effets du changement climatique. En 2022, le PAM (Programme alimentaire mondial) a assisté 130.000 personnes touchées par les effets du changement climatique dont 20 000 ménages de la province de Kirundo. Selon un rapport des acteurs humanitaires en janvier 2022, il a été constaté que quatre communes de la province de Kirundo avaient enregistré des pertes surtout liées à la destruction totale de la plupart des cultures annuelles, telles que le maïs, le haricot, les colocases, les pommes de terre, le riz, qui constituent la base des menus des ménages ruraux.Et il n’y a pas que Kirundo qui fait face aux effets du changement climatique. C’est tout le pays. Hélas.
Burundi : un pays réellement en danger
38 millions de tonnes. C’est la quantité, environ, de tonnes de sol que le Burundi perd chaque année dû à l’érosion et aux glissements de terrain. 38 millions de tonnes ! Selon l’indice mondial d’adaptation qui mesure la vulnérabilité d’un pays au changement climatique, le pays de Mwezi est classé au 171e rang sur 181 pays. Cela veut dire que le Burundi est dans le top 10 des pays les plus vulnérables au changement climatique dans le monde, alors qu’il ne contribue aux émissions mondiales de gaz à effet de serre qu’à hauteur de 0,01.
Professeur Jean-Marie Sabushimike, géomorphologue et expert en environnement, enseigne au département de Géographie à l’université du Burundi. Il explique : « Les pays en voie de développement sont les plus vulnérables au changement climatique alors qu’ils ne sont pas impliqués au premier plan comme responsables, parce que les émissions de gaz à effet de serre émis par ces pays sont en quantité souvent négligeable. C’est le cas du Burundi ».
Et au moment où se déroule cette année, la conférence sur le climat en Egypte (Cop 27), l’expert en environnement, Jean-Marie Sabushimike, tient à préciser le rôle exact que doit jouer ce grand rassemblement pour/sur le climat, pour les pays qui sont vulnérables au changement climatique : « Il y a cette conscience collective de l’humanité qui sait que ce sont les plus industrialisés, riches qui restent impliqués au premier plan de ces changements climatiques ». Y a-t-il donc une lueur d’espoir ? Est-ce que le petit pays niché au cœur de la région des Grands lacs qu’est le Burundi, peut encore se tirer des flammes de l’enfer qui se pointent à l’horizon ? Comment peut-il sauver son secteur agricole, très important pour sa survie ?
Des actions sont nécessaires
Professeur Jean-Marie Sabushimike a déjà participé dans une des ces conférences sur le climat, et surtout il a été dans celle qui reste considérée jusqu’à aujourd’hui comme la plus importante : la COP21 qui eut lieu à Paris en 2015 : « L’accord de Paris, adopté lors de la COP21 où je me retrouvais d’ailleurs du côté du Burundi, visait la solidarité entre les États. Une solidarité qui avait pour but la capacité d’adaptation des pays en voie de développement à s’adapter aux effets des changements climatiques. Et cela exigeait bien attendu des financements. C’est pour cela que l’accord de Paris envisageait de disponibiliser 100 milliards de dollars par an, et la moitié de cette somme est destinée à l’adaptation aux changements climatiques », partage Prof. Jean-Marie Sabushimike.
Pour cet universitaire, « le Burundi devrait profiter de ces fonds pour pouvoir s’adapter aux changements climatiques et cela en commençant par le secteur agricole : le plus sensible aux changements climatiques ». Jean-Marie Sabushimike propose d’ailleurs une issue : « La perturbation des saisons est l’un des exemples, sur le plan scientifique, qui nous montre que les changements climatiques au Burundi sont en marche. Pour cela, il faut que l’État élabore des projets pour pouvoir bien s’adapter à ces changements. À Kirundo, par exemple, ils ont des possibilités de pouvoir créer des ouvrages d’irrigation ou même les pluies qui tombent, il faut savoir les recueillir et les conserver pour les périodes de prolongation de sécheresse. L’exemple du Mali nous montre qu’on peut être un pays aride et pratiquer l’agriculture jusqu’à exporter ses récoltes ».
Faut-il perdre espoir ? « Non », répond Jean-Marie Sabushimike : « Il ne faut pas perdre espoir car chaque nation est consciente du rôle de la solidarité internationale. La COP 27, par exemple, va d’abord se jouer sur cela. Lors de ces conférences, chaque pays présent, sait pertinemment qu’il est amené à s’adapter aux changements climatiques… dans la résilience ». Peut-être le très expérimenté agronome de Kirundo, Salvator Busokoza, avait raison de ne pas perdre d’espoir. Mais espérer sans agir ne nous sauvera pas des effets liés aux changements climatiques. Nous devrons choisir entre agir (efficacement) ou périr.
C’est étonnant vraiment de voir le Burundi en désespoir de la médiocrité de la production agricole alors que toutes les collines se séparer les uns des autres par des ruisseaux et grandes rivières.Pour ce,le Burundi ne pourrait être pas victime de ce changement climatique a ce niveau.