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Réaction : non, le Burundi n’a pas passé cinq jours sans produire

Un article récent, paru sur Yaga, trouve économiquement absurde que le Burundi passe cinq jours d’affilée en congé payé, sans rien produire. Une vérité, certes, qui a ouvert une fenêtre de réflexion à cet autre blogueur qui voit les choses différemment, en se penchant sur le secteur informel qui ignore la définition pratique du mot « congé » et qui, selon lui, sont les vrais patriotes.

Vous avez dit une semaine presque entière sans activité ? Sans produire ? Le lundi 9 juin, le jour où le Burundi a célébré la journée nationale du patriotisme, j’ai eu la chance d’être au parking de Cotebu à 5h du matin pour monter à l’intérieur du pays. Ce que j’y ai vu me pousse à réagir à votre article.

Imaginez : il est 2h du matin. Tandis que certains ronflent paisiblement sous leur couette, Jean, Marguerite, Charlotte, Mathias, Balthazar, etc …, enfilent déjà leurs longues vestes et pagnes. Leur mission ? Charger leur sac de bananes, mandarines, manioc, légumes, etc…., prennent un bus à Nyeshenza (Cibitoke) ou à Mabanda (Makamba) pour approvisionner le marché de Cotebu à Bujumbura où ils/elles y arrivent à 5h du matin. Ce sont aussi les pêcheurs de Nyanza-Lac et Rumonge qui lancent leurs filets dans le lac Tanganyika, puis chargent leurs prises pendant la nuit pour approvisionner les villes le matin. Saviez-vous qu’à 4 h 30’ du matin, les rues de Bujumbura grouillent déjà de monde ? À 5h, les bus crachent leur cargaison de travailleurs vers les chantiers, les marchés, les petites échoppes. Ces travailleurs informels n’ont pas le luxe de consulter un calendrier pour savoir si c’est un jour férié ou pas.

Pour eux, pas de travail équivaux à pas de repas. Pendant que les fonctionnaires savourent les congés payés, eux, ils étaient déjà en route pour faire tourner la machine économique, et vivre le patriotisme au quotidien. Donc, les vrais patriotes n’ont pas pris congé ces jours-là.

Le congé, c’est pour les fonctionnaires, pas pour tout le monde

Le congé, c’est pour les fonctionnaires et le secteur privé formel. Pour l’informel, ce mot évoquerait plutôt une soirée sans dîner. Alors, non, le Burundi n’a pas passé cinq jours sans produire. Simplement, une minorité a pu se permettre de croiser les bras. En 2011, on comptait à peine 73 000 fonctionnaires pour 8 millions d’habitants. 100 000 fonctionnaires en 2020. Une goutte d’eau face à l’océan du secteur informel.

D’ailleurs, même les fonctionnaires en congé ne chôment pas toujours. Avec la vie chère, nombreux sont ceux qui, pour survivre, troquent leur casquette « formelle » pour une activité « informelle » le temps d’un jour férié.

Les patriotes du quotidien.

En parlant du patriotisme, le secteur informel en est l’incarnation silencieuse. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 98,7 % des emplois relèvent du secteur informel, et 77 % du PIB burundais provient de ce secteur. En 2018, le commerce transfrontalier informel a généré plus de 92 milliards de Fbu.

Alors, en évoquant la productivité, peut-être devrait-il commencer par regarder du côté du secteur informel, où l’activité ne s’arrête jamais. Ce sont eux, les vrais héros nationaux. Des héros qui, contrairement aux autres, ne prennent jamais de repos. Pas de filet de sécurité, pas de salaire fixe, juste une détermination à toute épreuve. Pendant que les bureaux ferment pour un jour férié, ces invisibles font tourner le pays. Et ironie du sort, ceux qui ne prennent pas de congé payent les impôts et taxes qui font vivre ceux qui prennent les congés.

 

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