Rebondissement inattendu dans l’affaire Miss Burundi: alors que le dernier épisode de cette saga s’était clôturé sur un double divorce, entre Burundi Events et le comité d’organisation d’une part et entre Burundi Events et les candidates Miss d’autre part, le prochain épisode annonce l’avènement d’un sauveur. Et ce n’est nul autre que la « diaspora burundaise », qui s’est proposée de prendre les commandes de cette compétition à l’agonie et de lui donner un nouveau souffle. Mais ce n’est pas aussi simple que ça. Enquête.
« Séduction et protection assurées », diraient certains. Dans les bras de nos chers émigrés, le prochain canon de beauté peut rayer de sa tête tous les soucis financiers qui obèrent son projet. Le président de la « diaspora », Japhet-Legentil Ndayishimiye, assure même : « La diaspora regorge de grands investisseurs prêts à lui signer un chèque avec beaucoup de zéros.» De quoi donner une nouvelle mouture à notre bon produit mal exploité.
Cependant, bien que flattée, courtisée et désirée, il se murmure que la compétition Miss Burundi risque de ne plus charmer tout le monde si elle cède aux avances de la « diaspora ». En tête des charges: les « flirts » de cette dernière avec le pouvoir.
Une diaspora en intelligence avec le parti au pouvoir ?
Mais au fond, ne serait-ce pas un avantage que le prétendant à la main de Miss Burundi soit choyé par l’en haut ? En plus d’être assis sur une énorme pile d’argent qui dort, il aurait le soutien de ceux qui contrôlent le pays et qui peuvent garantir la sécurité des organisateurs. Qui pourrait se priver d’une pareille manne ?
Ce n’est cependant pas ce qu’en pense un professeur de l’Université du Burundi qui nous parle ici sous anonymat: « Il est tout à fait logique qu’une organisation sous le paternalisme du pouvoir, du parti Cndd-Fdd en l’occurrence, aurait une autre orientation que celle visée par la démarche classique: ceci est d’autant plus compréhensible que l’événement a une importance stratégique pour le pouvoir. Ce serait une opportunité pour rehausser l’image du pouvoir en place. Aussi, il est à craindre que l’événement adopte une attitude idéologique voire sectaire (sur plan communautariste [hutu-tutsi])».
Ça alors ! Vu sous cet angle, le vent de réformes que nous concocte la « diaspora » sent le roussi. Difficile qu’une miss prise sous l’aile de l’aigle, ou sous toute autre aile politique d’ailleurs, ne suscite pas des remous.
Mais est-ce que Burundi Events a déjà rendu son tablier ?
Que nenni, la réécriture de la série Miss Burundi imposée par la diaspora vient plutôt asséner une gifle sonore à l’ancienne boîte dirigée toujours par Amine El Kosseifi. Dans son dernier communiqué de presse, le patron de Burundi Events sifflait le temps mort et promettait de nettoyer cette pagaille qui agite la presse depuis quelques mois. Il semble pourtant que la « diaspora », au savoir-faire et un patriotisme sans failles, ait pris Burundi Events de vitesse.
Joint par téléphone, Kosseifi nous fait savoir qu’il est en dehors des frontières nationales et qu’il préfère s’exprimer dès son retour. Tiens donc ! Nos chers émigrés se seraient-ils glissés furtivement par une porte dérobée comme pour profiter de l’absence d’un mari ? Ce qui ajoute à la confusion, Burundi Events détient une licence d’exploitation d’une durée de vie de cinq ans, à compter à partir de 2017 car 2016 était une année d’essai. Une licence octroyée par le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture.
Une improvisation de trop
L’incendie qui avait éclaté au sein de l’organisation de Miss Burundi n’avait pas laissé indifférent le Bureau Presse, Information et Communication de la Présidence de la République. Le Conseiller chargé de la Communication à la Présidence de la République, Ambassadeur Willy Nyamitwe affirme que des efforts ont été déployés dans la médiation pour maîtriser ce feu. Il déplore cependant que cette initiative se soit soldée par un échec en grande partie faute de temps, car le patron de Burundi Events était obligé de voyager.
Quant à la nouvelle donne que prêche la « diaspora », l’Ambassadeur plénipotentiaire nous livre le fond de sa pensée : « Comme vous, j’ai appris avec surprise la décision de la diaspora de prendre en main l’organisation de Miss Burundi. Mais cela ne peut se faire qu’en respectant la loi. Seul Burundi Events a la licence d’organisation de Miss Burundi jusqu’à ce jour. La démarche de la diaspora, bien que louable, est illégale et ne peut malheureusement que compliquer une situation qui n’était pas facile à gérer. À mon sens c’est une improvisation de trop. Au-delà de l’annonce faite en présence de Son Excellence le Premier Vice-Président de la République, la diaspora devrait entrer en négociation avec Burundi Events si ce n’est pas encore fait. Nous sommes un État de droit et la Loi doit être respectée ».
La « diaspora » se serait-elle concertée avec Burundi Events alors? Sur ce, Japhet Ndayishimiye, président de ladite communauté outremer, enfonce le clou:« Je ne les connais pas. Nous sommes déjà en contact avec le ministère de la Culture mais s’ils désirent travailler avec la diaspora, nous sommes disponibles». Parle-t-il du même Ministère qui a octroyé un permis d’exploitation de cinq ans à Burundi Events ? En attendant le retour d’Amine El Kosseifi, on se demande si ce dernier finira par faire la danse du ventre au nouveau sauveur de Miss Burundi (devrais-je dire peut-être son tombeur ) ou alors vont-ils nous inviter dans l’arène pour assister à un autre combat entre une souris et un lion . Tout compte fait, il n’y a pas de souris dans la partie. Ce qui est sûr par contre, si les deux lions continuent à tirer dans des directions opposées, notre prochaine Miss risque un écartèlement.
A relire : Affaire Miss Burundi : les vraies raisons des démissions