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Youth Impulse : des avancées, mais aussi des défis

Organisée désormais chaque année, la grand-messe des jeunes « intellectuels et entrepreneurs » burundais, Youth Impulse vient de tenir sa troisième édition à Bujumbura. Quid des résultats des premières éditions ?

C’est sous le thème : « Le rôle de la jeunesse dans la mise en œuvre de la vision : Burundi, pays émergent 2040 et pays développé en 2060 » qu’a eu lieu la troisième édition du Youth Impulse. Depuis octobre 2020, les jeunes « intellectuels et entrepreneurs » burundais sont invités à échanger leurs idées, leurs aspirations, mais aussi leurs défis. Une première, commentera d’ailleurs Ezéchiel Nibigira, ministre en charge de la jeunesse.

Aussitôt arrivé au pouvoir, le Chef de l’Etat Evariste Ndayishimiye a vite compris que le pays ne pouvait décoller économiquement sans les jeunes. Pour une population d’environ 12 millions, les jeunes représentent plus de 65 %.  

Dans son discours d’ouverture, le chef de l’Etat Ndayishimiye se demandait pourquoi le pays n’était pas parmi les pays développés, car selon lui, nous avons tout le potentiel : les ressources naturelles, la main d’œuvre, etc.  Il fallait donc que les jeunes comprennent que c’était le moment « d’investir ou de disparaître ». Il fallait qu’ils comprennent que l’Etat ne pourrait embaucher tous les lauréats d’universités.  

Et le PAAEJ vit le jour

Le problème de financement, le renforcement des capacités des jeunes, étant parmi les grandes préoccupations soulevées par les jeunes participants dans la première édition de Youth Impulse, le président promit de mettre en place un programme qui allait s’occuper de l’emploi des jeunes. 

Chose dite, chose faite, le PAAEJ vit le jour en avril 2021, avec sur table une cagnote de 48 milliards de Fbu pour 4 ans. De quoi faire pâlir d’envie certains secteurs. Ce programme est axé sur 3 piliers à savoir : la formation et le renforcement des capacités, l’entrepreneuriat à travers le financement des projets innovants et l’insertion socio-professionnelle à travers des stages de premiers emplois. 

Le PAEEJ est donc la grande réussite de la première édition de Youth Impulse, avec de bons résultats, surtout en ce qui concerne la sensibilisation. En effet, sur un public cible de 50 mille jeunes formés en changement de mentalités, le PAEEJ en est à 81 mille. Prof. Désiré Manirakiza, coordonnateur de ce programme a d’ailleurs insisté sur l’importance de ce volet : « De par le passé, les étudiants burundais visaient les postes de bureaux. Il est donc important de changer cette mentalité. Actuellement, l’Etat ne peut pas engager tous les lauréats qui sortent fraîchement des universités. »

Des résultats mitigés sur le volet financement

Sur le volet financement, les résultats sont plutôt mitigés. Dans la première catégorie des coopératives collinaires, 1502 projets sont financés sur une cible de 6 mille, soit 25,03 %. La grande majorité se concentre dans l’élevage des porcs, des lapins, des poules et dans l’agriculture. 

Sur la composante de financement de 1000 petites et moyennes entreprises, 654 projets sont déjà financés (65,4 %), et 384 projets en attente de financement. Pour la catégorie des jeunes entrepreneurs à succès (ceux étant déjà dans l’entrepreneuriat avant la mise en place du PAEEJ), le taux de réalisation est plutôt bas. Sur 200 projets visés, seuls 28 sont déjà financés (14 %). 12 sont en attente de financement. « Cette composante est difficile. Ces jeunes doivent contracter des crédits au sein des banques commerciales et on a souvent des difficultés de pouvoir s’entendre avec ces dernières », reconnaît le coordonnateur du PAEEJ. 

Sur un total de 2070 projets déjà financés, les projets des coopératives collinaires représentent 69 %, les petites et moyennes entreprises représentent 30 % tandis que les entrepreneurs à succès représentent 1 %. C’est normal, selon Désiré Manirakiza. Le Burundi est encore constitué par une économie dominée par le secteur primaire. 

En ce qui concerne les secteurs d’intervention, les projets agricoles viennent en tête avec 34 %, suivis de l’élevage avec 19 %, les métiers avec 14 % au moment où les TIC occupent une part de 4 %.

Sur un total de 3000 stages de premiers emplois prévus, 2050 stagiaires ont été recrutés, dont 158 embauchés dans différentes entreprises. Pour le volet emplois (directs ou indirects), 30 698 emplois ont été créés sur un total de 300 mille. 

Un centre d’excellence pour la reconversion professionnelle

Pour mettre également en place les recommandations des rencontres des jeunes, le gouvernement a accéléré la construction (débutée quelques mois avant la tenue de la première édition de Youth Impulse) d’un centre régional d’apprentissage multisectoriel de Rusi dans la commune de Shombo de la province Karusi. D’une capacité d’accueil de plus de 1000 personnes, ce centre se veut être un pôle de formation technique et de reconversion professionnelle dans différents métiers pour les jeunes au chômage. Le Chef de l’Etat estime qu’une grande partie des diplômés ne peuvent pas accéder au marché du travail suite à l’incompétence technique.

Inauguré en grande pompe en septembre 2022, ce centre n’est malheureusement pas encore fonctionnel, faute d’équipements. Espérons que ce centre sera bientôt fonctionnel étant donné que le ministère en charge de l’éducation a récemment ouvert les inscriptions pour les intéressées dans les domaines de production végétale, transformation des produits agricoles, formation pastorale, construction et bâtiment, gestion des coopératives. 

Des défis persistent

Malgré des avancées enregistrées en ce qui concerne l’autonomisation des jeunes, il y a encore du pain sur la planche. Les jeunes entrepreneurs font face tout comme d’autres investisseurs aux défis du secteur privé. L’environnement des affaires peu favorable lié notamment au problème de la gouvernance (favoritisme, corruption), au manque d’infrastructures de base (électricité), les problématiques de financements suite au manque de garantie et d’hypothèque, etc. 

Le coordonnateur de PAEEJ évoque en plus le problème de certifications des produits : « Des jeunes ont été stoppés dans leurs entreprises suite à la non reconnaissance du Bureau Burundais de Normalisation (BBN)…les conditions exigées sont parfois relativement difficiles à remplir ».  Prof Manirakiza trouve que le BBN pourrait accorder des autorisations provisoires basées par exemple sur des vérifications de la non toxicité des produits. Mais pour Didace Ngendakumana, directeur de l’Agence Burundaise de Développement, les jeunes entrepreneurs doivent plutôt s’y conformer pour que leurs produits franchissent les frontières pour atteindre le marché international.

Le déficit des centres d’approvisionnement en semences (animales et végétales) est un autre défi qui hante les jeunes entrepreneurs. Ceux qui s’approvisionnent en lapins par exemple sont obligés de recourir dans les pays limitrophes. Ce qui occasionne des coûts non négligeables. Pour résoudre ce problème, le PAEEJ compte mettre en place trois centres naisseurs (Porcs, Poules et Lapins).

Le problème d’internet plombe aussi les actions des jeunes. La mauvaise connexion internet, qui est en plus chère, est un autre défi évoqué par les jeunes entrepreneurs. Désiré Manirakiza sollicite des partenariats avec les sociétés de télécommunication pour un bouquet dédiée PAEEJ avec une connexion de haute qualité.

La mise en place d’un organe de coordination de tous les projets touchant les jeunes recommandé lors de la deuxième édition de Youth Impulse se fait toujours attendre. Cet organe devrait canaliser et faire le suivi de toutes les interventions faites en faveur de la jeunesse et assurer même l’encadrement après la pérennisation des acquis. 

Des occasions d’apprendre sur l’entrepreneuriat

Les participants aux différentes éditions du Youth Impulse saluent de telles rencontrent des jeunes. C’est notamment le cas de Bella Kamariza qui admet que de telles séances ouvrent les yeux sur les notions d’entrepreneuriales. « De telles organisations permettent le changement des mentalités des jeunes sortis des universités qui attendent le travail de l’Etat », note quant à lui Bertrand Nahayo.

D’autres cadres d’échanges pour les jeunes rencontres sont organisés durant toute l’année (forum national des jeunes, Inkerebutsiday, etc.). Et pour toucher plus de jeunes, le PAEEJ promet de mettre en place le « PAEEJ Academy » qui se veut être un système de formation en ligne, qui manque encore au Burundi.

 

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