Les compagnies aériennes opérant au Burundi exigent depuis le 27 septembre 2023 l’achat de billets en devises. Le manque des devises est à l’origine de cette décision, qui pourrait être suspendue selon le Premier ministre. Les analystes économiques appellent la BRB à prendre des mesures urgentes pour une bonne politique monétaire.
Si toutes les compagnies aériennes ont décidé dès la fin du mois de septembre de vendre les billets d’avion en devises, la mesure de la BRB leur accordant cette autorisation avait été prise fin mars de cette année. Cette dernière levait celle de décembre 2022 qui leur recommandait de vendre les billets en Fbu.
Le 12 avril 2023, les compagnies aériennes telles que Kenya Airways avaient informé les agences de voyages partenaires de vendre les billets en USD avant d’y renoncer après un laps de temps. Avaient-elles reçu des ordres de ne pas la mettre en application dans les coulisses ?
Actuellement, les compagnies n’en peuvent plus. Contacté par Yaga, Pierre Claver Rwasa, représentant de Brussels Airlines, évoque le manque des devises alors que les compagnies aériennes sont fortement tributaires de devises pour leurs opérations. Selon lui, ces compagnies ont du mal à se procurer des devises à déposer sur leurs comptes. « C’est facile de payer nos dépenses en Fbu, mais déposer le reste sur nos comptes devient problématiques ».
Le Premier ministre accuse la BRB
Lors de la présentation des réalisations gouvernementales pour le deuxième semestre 2022-2023, Gervais Ndirakobuca, Premier ministre, a pointé du doigt « des techniciens qui exagèrent en prenant des décisions sans prérogatives, de le faire atari mukibanza cabo ». Il affirme toutefois que les sociétés opérant au Burundi ont soulevé des défis liés au manque de devises.
Normalement, dit Ndirakobuca, ces compagnies doivent avoir, de la part de la Banque Centrale, la contrepartie en devises de tous les tickets vendus en Fbu. Ces compagnies ont expliqué cela à la BRB et cette dernière a pris une solution qui lui semble facile. Mais ce n’est pas du tout facile parce que la vente des billets en devises n’est pas une solution durable. « Ils m’ont expliqué que les fonctionnaires de l’Etat, les étudiants, les malades ne sont pas concernés par cette mesure », révèle Ndirakobuca, avant de se demander si les autres catégories ne sont pas des Burundais.
Pour lui, les simples voyageurs auront du mal à voyager. Les commerçants dans le besoin, pourront rafler toutes les devises sur le marché et la maîtrise du taux de change pourrait être difficile à contrôler. « Cette mesure a été prise prématurément et doit être suspendue », conclut-il.
Actuellement, il est difficile pour les voyageurs de trouver des devises dans les banques. Ce qui les pousse à se tourner vers le marché parallèle où les coûts des devises sont élevés. En illustration, un ticket d’avion qui s’achetait à deux millions peut passer du simple au double. Sur le marché parallèle, un USD se change à plus de 4300 Fbu.
La problématique des devises, le nœud du problème
La persistante pénurie des devises est à l’origine de cette problématique, selon les analystes de la situation économique du pays. Avec la pénurie des devises qui secoue le Burundi, la dépréciation de Fbu s’est accentuée durant ces derniers jours, notamment avec la mesure de la BRB de fixer le taux de change de 2 875,17 Fbu/USD. En réalité, cela signifie la dévaluation de la monnaie burundaise. Cette dernière a causé la flambée généralisée des prix (inflation). Sur le marché parallèle, un USD vaut plus de 4300 Fbu.
Un autre analyste de l’économie burundaise met également en cause le changement des billets de 10 mille et de 5 mille Fbu. Une mesure qui a provoqué la perte de confiance en la monnaie burundaise surtout chez les commerçants. « La plupart d’entre eux ont cherché à conserver les francs en devises. Ces mesures ont fait que le Fbu perde sa valeur au moment où la valeur des devises s’est appréciée. »
Dans les colonnes du journal Iwacu, l’économiste André Nikwigize regrette que les voyageurs s’approvisionnent sur le marché noir, car la BRB ne peut plus octroyer les devises pour le transfert des recettes issues des ventes de billets d’avion en Fbu. Il explique déjà que le différentiel du taux de change $/Fbu atteint presque 50 %. « Il ne faut donc pas être étonné si, demain, les vendeurs de produits importés exigent d’être payés en dollars. D’ores et déjà, c’est le cas pour les hôtels », prévient Nikwigize.
La balance commerciale largement déficitaire
Le gouvernement du Burundi assiste donc impuissamment à cette situation par manque de solutions plausibles. Les devises proviennent généralement des exportations, alors qu’elles ont connu une chute depuis des années par manque de produits exportables.
La valeur des importations au cours du premier trimestre 2023 s’élève à 587,3 milliards de Fbu tandis que celle des exportations s’élève à 84, 6 milliards de Fbu, selon le bulletin trimestriel des statistiques de l’Office Burundais des Recettes. La balance commerciale dégage un déficit de 502,6 milliards de Fbu. Le taux de couverture des importations par les exportations est de 14,4 %.
Par ailleurs, l’apport des partenaires financiers du Burundi, notamment l’UE se fait toujours attendre malgré la levée des sanctions. Le récent accord du Burundi avec le FMI pour la Facilité Elargie de Crédit pour un montant de 271 millions de dollars américains sur 3 ans n’est qu’une petite bouffée d’oxygène.
Avec la dépréciation de Fbu qui s’accentue, le Burundi pourrait-il devenir la nouvelle RDC ou le dollar américain prédomine ? Un analyste de la situation alerte la Banque Centrale d’intervenir pour empêcher la paire Euro/Fbu d’atteindre le seuil psychologique majeur de 5000 Fbu.