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Panne des scanners au Burundi : trépas assuré pour les patients

On remarque l’importance d’une chose quand elle n’est plus là. Pendant plus d’un mois, les trois scanners sur quatre que possède le Burundi étaient en panne. Et cela n’a pas été sans conséquence pour le Burundais lambda.

Vendredi, 10 février. Dans les urgences de l’Hôpital Régional de Gitega, un blessé d’un accident de la voie publique y est évacué. L’accident s’est produit sur la RN2, dans le tournant de Nyambeho. Les premiers soins d’urgence sont administrés. Après stabilisation, le saignement du nez et des oreilles ne s’estompe pas. « Un scanner cérébral est nécessaire », lance le médecin, qui complète la fiche de référence.

Près de Gitega, le scanner le plus proche est à l’Hôpital Natwe Turashoboye de Karusi. « Attends, il y a souvent une panne récurrente du scanner à cet hôpital, c’est mieux de téléphoner avant de s’y rendre », explique l’ambulancier. Douuu, Douuu, le téléphone sonne. De l’autre bout du fil, on raccroche. « Il y a trois semaines, le scanner est en panne ». La réponse fait effet d’une douche froide. Il n’y a pas mille solutions. « Il faut descendre à Bujumbura », explique le médecin, qui profite pour nous souhaiter bonne chance.

Le grand périple

Bonne chance ? Eh oui. Le médecin savait pourquoi. Arrivé à Bujumbura dans la nuit du 10 février, le scanner n’est présent qu’à deux hôpitaux privés : Kira Hospital et Tanganyika Care Hospital. Aucun des quatre hôpitaux publics de référence nationale n’a un scanner dans ces enceintes.

Direction, l’Hôpital Kira. « Nous sommes désolés, le scanner est en panne ». Même réponse à l’Hôpital Tanganyika Care. Le médecin qui nous reçoit est sidéré. « Tous les scanners en mairie de Bujumbura sont en panne, et ça poignarde au cœur le fait de pratiquer la médecine à l’aveugle, par panne de moyens diagnostics », raconte-t-il, visiblement dépassé, avant de nous orienter à l’Hôpital Général de Mpanda, où le seul scanner est encore fonctionnel dans tout le pays.

Nous nous y rendons difficilement le lendemain. La pénurie du carburant qui a fait hausser le prix du transport, ne nous laisse pas de répit. Arrivé à Mpanda, nous découvrons que le scanner n’est pas remboursable par la mutuelle de la fonction publique. La facture est salée. Mais, amagara ni amazi aseseka ntibayore, nous sommes obligés de payer. 

Aussitôt fait,  chemin retour à Bujumbura pour la prise en charge. Malheureusement, le médecin qui nous reçoit renfrogne la mine. « L’image n’est pas bonne. Nous recommandons le scanner de Mpanda en dernier lieu, car il fait de coupes épaisses, et passe souvent à côté de plusieurs lésions », nous explique le médecin, au vu des résultats. 

Une intervention chirurgicale est programmée d’urgence. Malheureusement, « le retard dans le diagnostic par manque du scanner, la longue distance parcourue sur une route délabrée compte tenu de l’état du malade, ont aggravé la lésion, qui vient d’emporter votre patient 10 minutes avant l’intervention », explique le chirurgien à l’annonce du décès.

À l’origine…

Ce n’est pas beaucoup médiatisé, mais la panne des scanners est récurrente au Burundi. À l’origine, les coupures intempestives de l’électricité. « En cas de coupure du courant, le scanner se déconfigure et comme il est trop fragile, cela affecte ses circuits, et est à l’origine de ses pannes récurrentes » confie un technicien de l’hôpital Karusi.

 En plus, le pays accuse un manque d’ingénieurs biomédicaux spécialisés. « Cela fait que quand la période de maintenance par les fournisseurs de l’appareil est écoulée, nos appareils fonctionnent longtemps sans maintenance », renchérit le technicien, qui ajoute qu’en cas de panne, l’hôpital doit faire appel aux maintenanciers étrangers. « Cela coûte trop cher à l’institution, qui doit aussi faire parvenir de l’étranger les appareils de rechange dans ce climat de la pénurie des devises » conclut-il.

Le pays ne devrait pas passer plus d’un mois sans scanner. Sinon, la fin du tourisme médical tant chantée est une utopie. Heureusement que respectivement depuis le 18 février et 20 février, les scanners de Kira et Tanganyika care sont de nouveaux fonctionnels. Mais pour combien de temps ?

 

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