Il n’y a pas longtemps, le président Evariste Ndayishimiye se posait des questions sur le rôle des élus du peuple dans la vie du pays. Il les a même exhorté d’aller s’installer dans leurs circonscriptions parce qu’il trouvait qu’ils ne s’occupent pas du tout des préoccupations de la population car ils se la coulent douce dans la capitale économique du pays. Et si le mal était plus profond que ça ? Faut-il abandonner le système des listes bloquées ? Ce blogueur semble penser que le problème réside dans le mode d’élection.
Elus à base des listes bloquées présentées par leurs partis, les députés burundais semblent être plus redevables devant leurs partis politiques que devant le peuple qui les a élus, même si le mandat d’un député a un caractère national.
Supposé être une balise contre les déséquilibres ethniques, le système des listes bloquées ne semblent plus efficaces. Certes, il a permis de respecter les quotas ethniques en imposant qu’il n’y ait pas trois candidats de la même ethnie sur la liste. Bien plus, il a exigé qu’un des trois candidats sur la liste soit une femme.
En revanche, il présente beaucoup de lacunes. Notamment, la déconnexion entre les élus et leur électorat, la centralisation des choix des candidats alors qu’on est dans une logique de décentralisation, la dilution des responsabilités des élus envers la circonscription et il encourage la création de factions clientélistes : « C’est une occasion pour les chefs de partis de mettre sur la liste des personnes de leur choix. D’où nous avons des élus dont les compétences sont douteuses. », indique le politiste Denis Banshimyubusa.
Pour le cas du Burundi, nous avons le Cndd- Fdd comme un parti hégémonique. Suite à ses victoires quasi staliniennes lors des élections de 2020, il règne vraiment sans partage. Son organe suprême, le conseil des sages, est dirigé par le président de la République. Autrement dit, c’est lui qui approuve les candidats sur la liste du parti. Résultat : nous avons une Assemblée nationale sans réel pouvoir de contrôle sur l’Exécutif. Alors qu’ils en ont la prérogative, il est rare ou inexistant de voir un projet de loi dont l’initiative dérive des députés. Tous les projets de loi proviennent de l’Exécutif.
Du déjà vu…
« Les Assemblées nationales de ces deux pays ne sont ni le lieu des délibérations les plus essentielles, ni l’instance ultime de décision. Les débats les plus importants se déroulent plutôt dans les assemblées du Parti, et le lieu se situe par excellence à la présidence », analysaient J. Pierre Chrétien et Gabriel Le Jeune dans un article paru en 1986 dans la Revue du tiers monde. Ici, ils faisaient allusion au Rwanda et le Burundi qui, au début des années 80, avaient respectivement organisé des élections législatives. Pour le Burundi, le régime de Jean Baptiste Bagaza les avait organisées le 22 octobre 1982. A cette époque, le Burundi était sous la coupe du parti unique. Tous les candidats provenaient du parti Uprona.
36 ans plus tard, il est étonnant de voir combien l’analyse de ces deux auteurs reste toujours d’actualité. En particulier au Burundi, alors que nous sommes censés être dans un régime multipartiste. La différence entre les deux époques réside seulement sur le mode de vote. En 1982, pour élire les députés, on pratiquait le vote par panachage. C’est-à-dire que l’électeur mettait la croix devant le candidat de son choix dans la liste des noms proposés. Pour être élu, il fallait donc avoir une assise populaire. C’est ainsi que trois ministres du gouvernement n’ont pas été élus.
Peut-on réintroduire le panachage dans le code électoral ? C’est possible mais, ce serait violer l’accord d’Arusha : « Au niveau de l’accord d’Arusha, on n’a déjà pas mal changé de choses. Nous avons un Premier Ministre alors que ce n’était pas prévu par ledit accord. Si les politiques se conviennent sur le panachage, ils peuvent le faire. », rétorque M. Banshimyubusa.