Cette missive est pour vous : décideurs, défenseurs des droits de l’enfant/de l’homme, parents, forces de l’ordre, etc.
Chers tous,
Cette lettre, je ne l’ai pas écrite moi-même. Hélas. Mais, il y a ce Monsieur qui a discuté avec moi. Timidement, je me suis dévoilée à lui. Il m’a dit : « J’écrirai ce que tu me diras dans une lettre ».
Et voici donc cette fameuse lettre. Quand vous la lirez, ce seront mes mots, mes peines, mes cris…
J’ai quatorze ans. Je suis une fille en situation de rue : Mayibobo si vous voulez, pour les plus vulgaires. Avez-vous besoin de connaître mon nom ? Je peux être Aisha, Alda, Divine, … cela importe peu.
Ce qui importe le plus, c’est ma vie. Ce que je vis au quotidien : savez-vous combien de fois, je nourris mon petit bide ? Où est-ce que je dors le soir, dans quelles conditions ? Où est-ce que je me soigne, quand je tombe malade ?
Ça ne date pas d’hier…
Je me nourris une fois par jour. Après avoir mendié toute la journée. Deux fois, quand le Tout Puissant s’est souvenu de sa petite fille. Mais, lui aussi, comme tous les autres Burundais, il nous oublie souvent. Il part sûrement en voyage. Et pendant qu’il y est, nous sommes laissés pour nous-mêmes.
On doit survivre : Saïdia mama est devenu notre prière quotidienne. Une prière, car nous espérons qu’elle soit exaucée quand nous nous pointons devant vous. Apparemment, le gouvernement a pris une mesure d’interdire tous ceux qui osent nous donner de l’argent. Qu’allons-nous devenir ? Des voleurs, bien sûr. Des travailleuses de sexe aussi. Je suis une fille. Plutôt que de mourir de faim, je suis prête à offrir ce petit corps maigrichon. J’ai vu des filles à peine dans l’adolescence le faire. Je m’arrête sur ce point. C’est douloureux.
Non. Vous devez l’entendre…
Le corps qui change, mais pas la rue
Être une fille dans la rue, c’est un cauchemar. Trop de dangers. La nuit, il faut trouver où dormir, loin des charognards qui vous guettent au moindre moment de faiblesse. Nos camarades de rue s’attendent à ce que nous satisfassions leur faim. Ces garçons dans l’adolescence sont chauds comme un taureau prêt à s’accoupler. Nous tentons autant que possible de les fuir, mais des fois…Bref.
Et les menstruations ? Dieu seul sait quels artifices nous usons pour contenir le précieux liquide qui resurgit hebdomadairement. C’est la rue. La street. Il faut se débrouiller. Entre vieux vêtements usés et plusieurs sous-vêtements, le plus important, c’est que nous ayons ce matériel. Un matériel que la rue n’arrive pas à nous offrir.
Je vous exhorte, vous tous, de faire votre possible – même si vous avez essayé depuis un moment, il me semble que vous avez échoué ! Mendier, se prostituer (à un si jeune âge), voler, séquestrer…cela ne devrait pas être notre mode de survie.
Allez-vous accepter que nous restions par milliers dans vos rues, à vous faire les yeux doux pour que vous nous donniez ijana ? Ou vous allez vous bouger pour nous venir en aide ?
Birateye agahinda ariko nizere ko abajejwe ubushikirangaji bwogufatana munda iki kibazo bagiye kugifata nkama