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L’histoire et son traitement, les parents pauvres des programmes scolaires burundais

Face aux mémoires plurielles et blessées, le gouvernement ne devrait pas se passer de l’enseignement de l’histoire dans les écoles. Le désintéressement du passé par les jeunes peut leur être fatale. C’est un risque d’une répétition des erreurs du passé.

Le cours d’histoire se meurt. Ces dernières années, il est le grand perdant des dernières reformes de l’enseignement secondaire. Il a été littéralement jeté aux orties. Avant l’avènement de l’école fondamentale, le cours d’histoire était dispensé dans toutes les sections dites des humanités générales. De la septième année du secondaire   jusqu’en terminale, les élèves apprenaient les cycles royaux du Burundi, la préhistoire, les 5 piliers de l’Islam, les royaumes d’Axoum, de Méroé, Monomotapa, les grands monarques africains comme Ntare Rugamba, Kankan Moussa, Soundiata Keita, les reformes de Luther ou de Calvin, et jen cite. Bref, c’était un programme touche à tout, qui participait à l’émulation des élèves. L’approfondissement de l’histoire du Burundi ne concernait que les élèves de la section des lettres modernes.  Avec l’Ecole fondamentale, le cours d’histoire n’est plus. Il a été remplacé par un cours intitulé « formation patriotique et humaine », qui n’a rien à voir avec l’ancienne discipline. Certes, l’ancien programme n’était pas parfait. Il présentait certaines lacunes, notamment   en matière de l’histoire du Burundi. Il ne traitait que des faits d’avant 1962. Le programme était presque muet sur les années post indépendance. « Un chapitre est consacré à l’avènement de la République et aborde les Constitutions de la Ière et de la IIe République. L’accent est mis sur les efforts fournis dans le domaine de l’enseignement, justement, de la santé publique et les infrastructures. La IIIe République est évoquée plus brièvement sous l’angle des grandes orientations politiques, économiques et sociales ». A analysé l’historienne Aude Laroque dans sa thèse « Historiographie et enjeux de mémoires au Burundi ».  Dans cette thèse, elle mentionne quen revanche, les périodes de violence sont passées sous silence, quil apparaît sans doute trop délicat d’évoquer ces questions avec des élèves 

Urgence d’appuyer la recherche historique au Burundi

Face à cette omerta caractérisant ces périodes, elle fait savoir que ce sont les mémoires de chacun, les mémoires familiales, qui prennent le relais. Connaissant la victimisation et le manque d’empathie qui accompagnent les récits individuels et familiaux, le risque de voir une future génération avec une histoire clivant est grand. A titre illustratif, un enfant ayant grandi dans une famille hutu ne pourra jamais comprendre qu’il y a eu des tutsi qui ont perdu les leurs en 1972. De même, une famille tutsi victime des massacres de 1993 ne pourra jamais comprendre que des hutu ont été aussi massacrés en 1993. Les uns éludent les souffrances des autres. C’est ainsi, qu’une histoire pleine de rancœurs et passions est léguée à des générations qui suivent. Dans ce cas, même en l’absence de guerre, la réconciliation est en sursis. Le risque de retomber dans les affres de la violence est énorme.

Dans ses principes et mesures relatifs à la réconciliation nationale, l’accord d’Arusha prévoit que la CVR clarifie l’histoire en remontant aussi loin que possible pour éclairer le peuple burundais sur son passé. Cela a pour finalité de réécrire l’histoire du Burundi, afin de permettre aux Burundais d’en avoir une même lecture. Sans vouloir être pessimiste, et au regard de son fonctionnement, la CVR est encore loin sur ce volet. 

 

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