L’annonce de la visite de Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères est tombée ce lundi 29 mai 2023. Dans le cadre de sa tournée africaine, il vient s’entretenir avec son homologue burundais, le ministre Albert Shingiro. Son périple coïncide avec celui de Dymytro Kouleba, à la tête de la diplomatie ukrainienne, lui aussi dans une opération de charme en Afrique. Il est clair que la Russie mène une offensive diplomatique pour s’assurer des soutiens qu’elle est menacée de perdre à la suite de son intervention en Ukraine. Mais que gagne le Burundi dans tout cela ?
Bien que la présence de la Russie au Burundi soit très peu médiatisée, la Russie est bien là en mode soft power, dans le secteur éducatif en particulier. Bourse à l’appui, le pays de Poutine accueille depuis des années des étudiants burundais. Très récemment d’ailleurs, 100 bourses d’études ont été accordées et un cabinet de la langue russe vient d’être officiellement ouvert à l’Université du Burundi.
Malgré la discrétion du Kremlin, la Russie entretien de bonnes relations avec le gouvernement du Burundi. Pour preuve : il y a eu le blocage, via le droit de veto de la Russie au sein du conseil de sécurité de l’ONU de plusieurs résolutions sur le Burundi suite à la crise 2015. En retour, le Burundi s’est abstenu à chaque résolution de l’ONU exigeant à la Russie de cesser immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine.
Le Burundi et la Russie, c’est également des accords de coopération qui vont se focaliser sur l’énergie nucléaire, la santé, la justice et le domaine du travail.
Quid de la neutralité burundaise ?
La Russie est en pleine guerre avec l’Ukraine depuis février 2022. Par conséquent, elle a subi certaines sanctions qui l’ont relativement conduite à l’isolement diplomatique. Elle a par exemple été exclue de certaines discussions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle a aussi perdu son statut d’observateur à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) et l’Organisation internationale du travail (OIT) a suspendu sa collaboration avec Moscou jusqu’à un cessez-le-feu.
En outre, le 2 mars 2022, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution exigeant le retrait des forces russes de l’Ukraine. « L’Assemblée générale exige également que la Fédération de la Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays ».
Comme pour d’autres résolutions, le Burundi s’est abstenu. Et c’est un acte assumé, à en croire Albert Shingiro, le patron de la diplomatie burundaise : « Nous avons choisi l’abstention, la neutralité, le non-alignement. Il est vrai que, avant la levée des sanctions, nous votions en général avec la Russie. Mais le contexte a changé. Je pense que l’Union européenne est contente de notre vote, et que la Russie l’est aussi. »
Une question se pose néanmoins : est-il vraiment stratégique de favoriser la Russie dans nos relations aussi longtemps que nous espérons des aides de l’Occident ?
« Le Burundi entretient des partenariats stratégiques avec tous les pays qui veulent l’appuyer. L’Union européenne est l’un de nos partenaires traditionnels, tout comme les États-Unis […] Notre vision, c’est que chacun de ces partenaires se complète et qu’ils ne soient pas en compétition. Ils interviennent dans des domaines différents », explique Albert Shingiro défendant la nouvelle stratégie diplomatique de son gouvernement.
Souhaitons que cela dure et que le Burundi ne puisse plus revivre une expérience à la Bagaza. « J’ai approché tout le monde mais cela a failli me créer des ennuis avec les Belges. », disait ce dernier.