Leur ruse ne cesse d’évoluer et de se perfectionner au fil du temps. Nous les appelons « Abafungakiwani », ceux qui usent de la parole pour tromper, induire en erreur dans l’intention de voler. Dans ce récit, ils étaient à deux doigts de voler une jeune femme, avec un stratagème qu’ils utilisent depuis un moment dans cette rue.
Plus exactement sur la route longeant le lycée SOS qui mène vers la radio Maria, écouteurs branchés sur mon smartphone, je décide de rentrer à pied sous le soleil accablant de midi. Un homme, la trentaine, vient m’aborder : « Bonjour, pouvez-vous m’indiquer l’endroit qui porte le nom d’Edimo ? » Je lui réponds que non puisque ce lieu m’est inconnu. Je remets mes écouteurs que j’ai débranchés pour lui répondre. Le monsieur, lui, n’est pas de cet avis puisqu’il poursuit la discussion. « Tu vis dans le coin ? », me demande-t-il. J’acquiesce. Oui, je suis du coin mais j’ignore où se trouve « Edimo ». Je lui conseille de demander à une dame qui se trouve à quelques pas devant nous afin d’en finir avec lui et m’évader dans ma playlist.
Un cheval de Troie
L’homme accélère pour rejoindre la femme fièrement vêtue de son kitenge. Elle semble lui indiquer l’endroit. Mais cela ne me concerne plus, je passe mon chemin. La dame m’interpelle, à son tour, pour s’enquérir si je suis avec cet homme. Ce que j’infirme et elle me souffle à l’oreille que « Edimo » est un lieu où les gens reçoivent de l’argent venu de l’étranger. Je suis étonnée de ne pas connaître le lieu, moi qui suis une habituée de ce quartier. L’homme, resté à quelques mètres, revient vers nous pour nous proposer de l’accompagner. La dame, méfiante, lui rétorque qu’elle a d’autres chats à fouetter.
J’écoute leur conversation à peine d’autant plus que je ne suis pas de la partie. C’est la dame qui connaît l’endroit. C’est à elle de l’accompagner. Pourtant, il est loin de baisser les bras. Il insiste pour y aller ensemble moyennant ay’ifanta (10000 FBu).
La femme, enjouée, lui demande le montant qu’il va récupérer. « 1000$ », répond-il. Aussi, ajoute-t-il qu’il va nous donner plus d’argent si nous lui rendons ce service. Dans ma tête, je suis intriguée de savoir la raison pour laquelle il m’embarque dans ses plans, vu que je ne lui ai rendu aucun service. N’est-ce pas la dame qui lui a indiqué le chemin ?
Une amie à la rescousse
Je me tiens éloignée mais leurs voix me parviennent puisque nous marchons au même rythme depuis un moment. Tout à coup, mon cœur fait un bond lorsque je sens des mains me prendre par les épaules. Je retourne la tête quand je vois le visage souriant d’une amie. Je suis encore plus surprise quand elle me tient par la main et à un rythme accéléré, nous dépassons ces deux individus. J’ai la nette impression qu’elle veut me tenir éloignée d’eux. « Ils étaient donc ensemble ! » Une évidence qui me saute vite à l’esprit. « Comment as-tu su ? » Telle est la question que je pose à cette amie.
« Je les connais ! », me dit-elle. Ils font souvent cela aux étudiantes sur cette même rue. Elle m’apprend qu’il y a au moins 3 étudiantes dans sa classe à qui ils ont déjà fait le coup. En plus, l’une d’entre elles était déjà au courant de leur stratégie mais ils lui ont volé quand même. Elle me demande si je n’ai pas salué l’un d’entre eux. À vrai dire, je ne m’en souviens plus. Selon les victimes, il y a des substances qu’ils laissent sur toi en te saluant qui font que tu exécutes leurs ordres, à demi-conscient. Je suis soulagée de ne pas avoir été une victime de plus grâce à cette amie. En même temps, ce qui me désole, c’est cette dame, sa complice, qui à première vue me semblait être une mère de famille au dessus de tout soupçon. Je regarde derrière pour voir ces voleurs. À première vue, ils semblent volatilisés dans la nature. Mais je les vois plus loin échangeant avec les élèves qui passent sur ce chemin. J’espère juste que ces enfants ne leur prêteront pas oreille.