Avant-hier, le ministre ayant la sécurité publique dans ses compétences a décrété la limitation de la circulation des vélos, des motos et des tuk tuk. Même ceux des particuliers n’ont plus le droit de circuler hors des zones désignées. Bien sûr que la sécurité routière est une préoccupation pour les dirigeants, mais pour autant, fallait-il en arriver là ? Ce blogueur trouve que la mesure pose plus de problèmes que de solutions. Il explique pourquoi.
Loin de moi l’idée de contester la décision du ministre. Mais lui-même a qualifié la mesure d’ «Urarura ( umuti) mugabo uranyobwa….». Un médoc amer, je suis tout à fait d’accord avec le ministre Gervais Ndirakobuca. Passons sous silence le fait que certains vont perdre leur boulot à cause de cette mesure, car en réalité ce sont des milliers et des milliers de personnes qui faisaient le transport rémunéré et qui vivaient de ce métier. Que vont-ils devenir? Quid des citadins ?
Un coup (coût) dur pour les citadins
Parlons des citadins. C’était déjà compliqué de circuler à Buja avec l’interdiction faite aux motards et au tuk tuk faisant le transport rémunéré de circuler au centre-ville depuis quelques années. Au moment où on espérait un adoucissement de cette mesure parce que l’insécurité, qui était à son origine, n’est plus une préoccupation, voilà que le ministre serre la vis en étendant la zone d’interdiction et surtout en incluant les motos et les bicyclettes des particuliers.
Vous en conviendrez avec moi, le transport urbain était déjà problématique à Bujumbura avec les interminables files d’attente devant les parkings de bus aux heures de pointe. La bonne solution est-elle vraiment d’imposer d’autres restrictions ? « Guhuhura ivyahuha » cet idiome rundi traduit ce qui va peut-être arriver.
Que vais-je faire avec mon Jehokuki adoré ?
En plus d’amère, la pilule risque de s’avérer inefficace. Avec les bus de transport en commun peu nombreux, certains citadins s’étaient débrouillés pour se doter d’un moyen de locomotion, qui avec une bicyclette, qui avec un vélo, etc. Personnellement, ça fait un an que je me suis offert un beau Jehokuki pour me faciliter la tâche. Maintenant qu’il ne me sert plus à rien, que vais-je en faire à partir de la date butoir du 11 mars 2022 ? Monsieur le ministre, permettez-nous au moins d’aller vendre au Congo ou ailleurs nos engins qui ne serviront plus à rien à Bujumbura.
Sans nous, c’est contre nous
Je le répète encore, loin de moi l’idée de dénigrer la mesure de monsieur le ministre. Les autorités ont la compétence de prendre toutes les mesures nécessaires à la bonne marche de la société. Cependant, un ancien président décédé adorait deux mots kirundi dans ses discours : inama n’ingingo. D’une part, s’entretenir avec les concernés avant de prendre une décision est souvent plus bénéfique que de s’asseoir dans un bureau et mettre une signature sur une décision qui, de surcroît, aura de graves répercussions sur la vie des dirigés. D’autre part, ce genre de décisions se conçoit et se prépare avant d’être exécuté. Dans le cas d’espèce, n’aurait-il pas été judicieux d’avertir les citadins un an ou deux ans avant que la moto ou le tuk tuk ne soit plus autorisé histoire de leur éviter de gaspiller leurs moyens en achetant des engins devenus encombrants ? Et les entreprises qui vendent ces engins et qui ont peut-être des stocks à écouler ?
‘’Urutaro’’ ou ‘’kuhanéglija’’
Je ne doute pas une seconde que la décision du ministre de l’intérieur soit partie d’une bonne intention. Et c’est de son devoir de s’occuper de la sécurité routière. Mais ce n’est un secret pour personne, Bujumbura connaît un problème de transport. Prenons l’exemple des ‘’taxi-vélo’’. Si on en croit certains chiffres ils étaient 9 000 ‘’taxi-vélo’’ à transporter 141 000 personnes chaque jour dans la ville de Bujumbura en 2017. Combien sont-ils maintenant ?
Non seulement, tous ces braves gens vont perdre leur boulot, mais il faut se demander comment les utilisateurs (qui ont sans doute augmenté aussi depuis 2017) vont faire pour vaquer à leurs occupations. Des taxis ? Trop chers pour ceux qui prenaient des taxis-vélos. Des bus ? Pas pratique parce qu’il y a pas ou peu de bus qui relient les quartiers entre eux.
Un type plutôt humoriste assis à côté de moi à qui j’ai demandé comment les citadins vont pouvoir faire pour se déplacer m’a répondu avec un regard goguenard : « N’ugufata urutaro canke kuhanéglija ». Urutaro je ne sais comment traduire mais j’ai compris que c’est une sorte de drone surnaturelle, mystico-magique qui se fout de l’état des routes, du permis de conduire, des embouteillages, des accidents.etc. Par contre il m’a expliqué que « Kuhanéglija » signifie aller à pied nonchalamment, comme si on faisait une simple balade. Pas sûr que tout cela résolve le problème de la mobilité à Bujumbura.