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Ubuntu, cette valeur qui dompte l’animal en nous

Ce concept est souvent évoqué pour faire référence aux qualités humaines. Dans des sociétés post-conflit, il peut également servir à contenir nos pulsions les plus primaires pour faciliter le vivre-ensemble. Rencontre avec Lambert Hakuziyaremye, socio-anthropologue pour y voir plus clair.

Y’a-t-il un lien entre la cohésion sociale et le concept d’Ubuntu ?

Le concept d’Ubuntu se définit comme l’une des caractéristiques des individus ou des hommes qui montrent ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Dans la vie des individus, il y a des éléments, des valeurs qui doivent caractériser les êtres humains pour les différencier des animaux. C’est une valeur fondamentale permettant aux individus de cohabiter pacifiquement et de s’entraider. L’Ubuntu est donc incontournable pour la vie en société et surtout dans des sociétés qui ont connu des conflits. La valeur d’Ubuntu est une valeur qui nous montre comment cohabiter toujours pacifiquement avec les autres.

Quelle est l’importance de l’Ubuntu dans une société post-conflit comme le notre ayant connu des violences de masse entre différents groupes ?

Le concept d’Ubuntu a été remis en cause dans des moments de crises ou de conflits. Notre nature humaine nous pousse cependant à  toujours chercher à cohabiter pacifiquement. C’est pourquoi ce concept est très fondamental dans la vie des individus et surtout qu’il constitue cet élément-là qui nous aide à repenser les valeurs à traiter notamment la morale humaine à développer pour retrouver la cohésion qui a été remise en cause dans des contextes de conflits. Il faut que les gens s’entraident mutuellement, cherchent à résoudre pacifiquement les conflits qui les opposent. S’il y a des conflits, c’est bien que les gens réfléchissent sur ce qu’ils peuvent faire pour essayer d’apaiser les esprits. Malheureusement la valeur d’Ubuntu est en voie de disparition dans les sociétés, y compris la nôtre. La malhonnêteté, le mensonge, le non-respect de la parole tenue, la haine, etc., prennent les devants et mettent à mal la cohésion sociale. C’est pourquoi il faut chaque fois repenser ces valeurs. Nos ancêtres privilégiaient l’Ubuntu et cette valeur leur a permis de cohabiter pacifiquement durant des siècles et des siècles. 

La valorisation des piliers de l’Humanité (Inkingi z’Ubuntu) et leurs histoires respectives peut-elle réduire la fabrication et la prolifération des messages de haine entre les membres de différents groupes sociaux ?

Si nous faisons une analyse de la situation du passé, l’on se rend compte que même lorsque le Burundi était plongé dans des tueries entre les différents groupes ethniques, il y a gens qui ont su transcender des idéologies ethniques et qui ont protégé, caché, cherché à sauver les vies humaines de ceux avec qui ils ne partageaient pas les convictions politiques ou l’appartenance ethnique. Ces modèles doivent être privilégiés, protégés et leurs messages doivent être partagés et véhiculés car la tendance actuelle est à la globalisation. Vous entendrez des gens dire que telle composante a massacré telle autre alors que l’histoire nous montre que certaines personnes ont défendu, au péril de leurs vies, la valeur d’Ubuntu en sauvant les autres indépendamment de leur appartenance ethnique. Ces modèles doivent être valorisés pour inspirer la nouvelle génération, les jeunes. Les spécialistes du changement des mentalités ont montré que ce changement passe entre autres par la valorisation de ce type de modèles en recueillant et en partageant leurs témoignages.

La philosophie d’Ubuntu a guidé la recherche de la vérité et la réconciliation en Afrique du Sud sous la houlette de l’Archevêque Desmond Tutu. Est-ce que la même démarche peut inspirer le processus en cours au Burundi?

Effectivement si Monseigneur Desmond Tutu a mobilisé cette valeur d’Ubuntu pour essayer de réconcilier les Sud-africains, cela peut se faire également au Burundi comme ailleurs. Cela est valable pour toutes les sociétés. La valeur d’Ubuntu véhicule des caractéristiques que doivent posséder tout être humain, ce qui, par ailleurs le différencient d’un animal et qui permettent à tous une vie en communauté. Elle permet également d’éviter la loi de la jungle où le plus fort impose sa volonté au plus faible. Donc l’Ubuntu peut aider les Burundais à se réconcilier et à lutter contre des messages mettant en péril la cohésion sociale.

 

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Les commentaires récents (2)

  1. Chaque époque est marquée par ses défis. La nôtre au Burundi surtout après l’indépendance aura été caractérisée par des événements d’une cruauté sans nom mais aussi par des gestes héroïques des gens courageux qui n’ont pas hésité à sauver les autres au risque de perdre la vie. Le Burundi a tout ce qu’il faut matériellement et moralement pour bâtir une société nouvelle basée sur la réconciliation entre tous et le dévelopement intégral. C’est ici que le concept d’Ubuntu peut jouer un rôle vital mais il faut l’expliquer aux gens pour qu’il le comprennent réellement. J’ai confiance dans la jeunesse, mais il faut lui donner la chance de rêver un futur différent de ce qu’elle vit actuellement. « Mu nda harara inzara hakavyuka inzigo ». Le bonheur, la prospérité, la joie de vivre ne sont pas l’apanage de ceux qui vivent sous d’autres cieux, ils peuvent et ils doivent être les nôtres aussi.

  2. Ce terme cher à Mandela a été récupéré. Il est parfois utilisé là ou i n’a rien à faire. Je ne sais pas comment un système d’exploitation informatique a réussi à porter ce nom.