Il y un an, quelques lignes menaçant le directeur d’une école fondamentale circulait sur les réseaux sociaux. Son ou ses auteur(s) réclamaient la bouffe à la cantine, sinon, c’est la mort au dirlo. Au lendemain de la journée mondiale de l’éducation, ce blogueur revient sur ce fait divers révélateur d’un mal plus profond.
Décembre! Il y’a presque pile une année, je me suis fixé des résolutions pour 2021. Comme tout le monde, quoi. Ou presque. Au premier rang, au top du top, lire Les Frères Karamazov de Dostoïevski. Comme tout le monde, ou presque, je n’ai pas tenu ma résolution. Elles sont pavées de bonnes volontés, les résolutions de début d’année.
En revanche, et vous comprendrez pourquoi j’ai passé par cet interlude pour en arriver aux gosses de Muyinga, j’ai eu la chance de tomber sur deux bouquins intéressants. « Le droit de savoir » d’Edwy Plenel et « L’explosion du journalisme » d’Ignacio Ramonet. Le premier est une biopsie de ce que devrait etre le journalisme et le deuxième une réflexion sur le journalisme à l’ère du 2.0. Parmi mes kifs de l’année à coup sûr.
Mais quel lien entre les petits mutins de Gasorwe et ces deux écrivains, me direz-vous. Pour échapper à un procès de cuistrerie, permettez que je cite EL Roto, dessinateur du journal espagnol El Pais cité en épigraphe de l’avant propos de « L’explosion du journalisme » qui, j’ai la faiblesse de croire contient la substance du livre : « L’inconvénient de cet âge d’or de la communication et de l’information, c’est qu’il n’y a pas moyen de savoir ce qui se passe ».
L’information de Gasorwe a été noyé dans une multitude d’autres, les uns plus utiles que les autres, ou pas. Il est né d’autres énergumènes comme les réseaux sociaux savent en pondre qui sont devenus la mascotte du pays et ce grand feu signalé au nord du pays ne fut finalement qu’un feu de paille. Sous le flux des infos qui nous sont tombés dessus, c’est comme si on n’avait pas su ce qu’on a vu. Effet infosité.
Ventre vide, cerveau kaput ?
Ceux qui ont utilisé les anciens manuels de Français au secondaire se souviennent surement d’un poème de Guy Tirolien, « Prière d’un petit enfant nègre ». Dans cette jérémiade, le môme implore au Bon Dieu de lui épargner la « torture de l’école ». « Seigneur, je ne veux plus aller à leur école, Faites, je vous prie, que je n’y aille plus ». Les contextes sont différents, Tirolien, en poète de la Négritude avait ses raisons de mettre ces vers dans la bouche d’un enfant désabusé par une école trop à la sauce occidentale.
Et le petit de Gasorwe, en rédigeant le tract ou avant, aurait-il pensé : « Seigneur, je ne veux plus aller à leur école, Faites, je vous prie, que n’y aille plus, j’y crève la dalle ». On ne va pas faire la psychanalyse à deux sous pour trouver les déterminants qui ont poussé l’écolier à menacer le directeur d’empoisonnement mais il y a lieu de se demander si c’est « un cas isolé » comme diraient les tenants de cette thèse ou « un fait divers qui en dit long sur les conditions de misère dans lesquelles étudient les enfants burundais ».
La guerre des optimistes serait déclenchée à coup sûr. Mais, si le petit écolier derrière le tract avait mangé à sa satiété, aurait-il des idées de commettre un crime, ou du moins en brandir la menace ? Le pauvre, il vit au pays du lait et du miel et ne demande apparemment pas grand-chose. Une pate de maïs et quelques haricots feraient l’affaire. Le pauvre, il envie ceux qui en reçoivent aux frais de philanthropes Monégasques, Français, et j’en passe.
Nous autres, nous en rions. Les émojis de MDR-mort de rire- abondent sur les plateformes des médias en ligne qui en ont fait le relais. Une information qui devrait plus qu’alerter, la voilà transformé en gag.
En attendant, prions, plutôt, œuvrons pour que les cerveaux et les cœurs de nos écoliers ne soient pas pollués par le creux des estomacs. Et l’auteur du tract de Gasorwe-si tu me lis, je n’y crois pas trop-, on dit directeur, pas directer.