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Pollution du lac Tanganyika: des cris d’alarmes, en vain

Alors que le monde entier fait face aux crises environnementales dues aux changements climatiques, notre « réservoir d’eaux douces » ne cesse d’être pollué, à grande échelle. Le sujet semble être éternellement d’actualité.

« Le lac Tanganyika est le plus poissonneux du monde ». Ou encore « le lac est un grand stock d’eau douce d’une transparence légendaire », des phrases qui relèvent plus de la nostalgie qu’autre chose. Qui n’oserait douter de la douceur de ces eaux, lorsqu’on voit ce que nous y déversons ? Des eaux usées, des pesticides, des déchets ménagers, des herbes néfastes qui menacent sa biodiversité…  

Albert Mbonerane, le chevronné environnementaliste le dit bien: « Le lac Tanganyika nous parle, réclame ses droits, avertit sur ce qui pourrait nous arriver de pire, mais nous ne voulons pas l’écouter. Nous allons surement le regretter, lorsqu’il prendra sa justice, de ses forces. Nous ne pourrons pas y sauver notre peau.» Bien évidemment, nous n’avons pas tardé à le voir. Beaucoup se souviennent encore d’avril 2021. Je ne vais revenir sur les dégâts matériels et humains. Les plaies ne sont pas encore pansées.

L’action humaine néfaste

Les déchets sont de plusieurs sortes, et les pollueurs de plusieurs casquettes. On retrouve les déchets domestiques qui proviennent des ménages et qui sont directement déversés dans ce « dépotoir », le lac. Si l’on prend seulement Bujumbura, force est de constater la démographie inquiétante, la multiplicité des quartiers dont l’aménagement laisse à désirer, sans mécanisme d’évacuation des déchets ménagers, sans évoquer la dégradation des systèmes d’évacuation des eaux usées des quartiers qui ont vu le Burundi prendre son indépendance. 

En plus des eaux usées des ménages, s’ajoutent les plus grands pollueurs, les industriels. Leurs déchets se déversent dans le lac Tanganyika sans aucun traitement préalable car les pompes de la station d’épuration de Buterere ne sont pratiquement pas fonctionnelles, et seulement moins de la moitié des ménages de Bujumbura y sont raccordés. Même si elles étaient bien fonctionnelles, ses malheureuses pompes seraient incapables d’épurer tous les eaux usées de Bujumbura. Quant aux pollueurs, la liste est longue, très longue.

La protection, plus théorique que pratique

Les textes sont bien structurés: le code de l’eau, le code de l’environnement, l’autorité du Lac Tanganyika, la Stratégie National de l’Eau, le Plan d’Action National de Gestion intégrée des Ressources en Eau, le Plan Directeur National de l’Eau Publics, etc. Avec ces textes, le lac serait, en théorie, bien protégé, et sa douceur bien gardée. Mais malheureusement, la réalité est autre. Pour y voir plus clair, jetons un coup d’œil au code de l’eau, quant aux responsabilités.  

En son article 41, la protection qualitative et quantitative des eaux est du ressort de l’Etat qui peut, si l’intérêt général le justifie, prendre des mesures particulières de protection et notamment instaurer des périmètres de protection. Le ministère ayant la gestion de l’eau dans ses attributions garde le droit d’ordonner à tout moment, toute mesure de contrôle destinée à réguler l’évolution qualitative et quantitative des ressources en eau à l’intérieur des périmètres de protection.

L’article 42 quant à lui stipule que sans préjudice des périmètres de protection qui peuvent s’imposer en vertu de l’article 41, lorsque la ressource en eau est menacée, du point de vue qualitatif ou quantitatif, dans une ou des localités déterminées, le ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions peut instituer des zones de sauvegarde des ressources en eau, qui comportent soit des restrictions absolues ou relatives d’activités portant sur l’eau, soit une autorisation préalable selon la nature ou la localisation des besoins à satisfaire. Les modalités d’application de cette disposition relative aux zones de sauvegarde sont fixées par ordonnance du Ministre ayant respectivement en charge la gestion de l’eau et la protection de l’environnement dans leurs attributions.

L’article 45 affirme que l’intérieur des périmètres de protection, les dépôts, installations et activités de nature à nuire directement à la qualité de l’eau ou à la rendre impropre à la consommation, sont interdits. L’interdiction porte principalement sur les dépôts d’ordures, d’immondices et de détritus, l’épandage du fumier, l’abreuvement, le parcage ou l’élevage d’animaux, les dépôts d’hydrocarbures et de toutes substances présentant des risques de toxicité, notamment les produits chimiques, les engrais et les pesticides, l’exploitation de carrières ou d’autres substances minérales à ciel ouvert, l’installation des canalisations des eaux usées de toute nature, l’installation de cimetières, le dépôt des boues de vidange des fosses septiques. 

In fine, la loi semble claire et les textes bien pensés, mais les décideurs devraient s’attaquer en amont, aux causes profondes, entre autre la pression démographique croissante qui entraîne une demande croissante en biens et services de l’écosystème, les taux élevés d’urbanisation entraînant une production croissante des polluants, la pauvreté et l’inégalité sociale, car le Burundi enregistre une forte proportion de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté, dépendant ainsi de l’exploitation des ressources naturelles, sans accès à d’autres moyens de subsistance. 

 

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