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Un Noël sous un ciel nuageux

Morosité économique, pénurie de carburant, tracas de la vie quotidienne, poches désespérément vides, tout ça n’a pas échappé à l’œil vigilant de ce blogueur à la veille de Noël. D’une plume découlant de compassion, il a touché là où ça fait mal. Une consolation tout de même : la naissance du Christ.

Le samedi 24 décembre 2022, la veille de Noël, le temps est passablement beau, pas beaucoup de soleil, pas de pluie ni de froid, encore moins de brouillard. Dans l’après-midi, une fine pluie tombe comme il en pleut souvent en cette date, comme signe annonciateur de l’heureux évènement qui allait se produire le lendemain, la naissance du Christ.

Noel a toujours été une fête qui va au-delà des religions, l’occasion de se réunir en famille. Les préparatifs sont donc à la hauteur de l’événement, sauf que les temps sont particulièrement durs pour beaucoup de ménages burundais. Parvenir à joindre les deux bouts du mois est devenu un casse-tête, l’une des équations les plus insolubles. L’inflation qui touche principalement les denrées alimentaires sape le moral de tous les ménages. Plus que la colère et la tristesse, c’est un spectacle de désolation et d’angoisse des chefs de ménages incapables d’offrir à leurs familles en général et à leurs enfants en particulier ce beau décor matériel et moral, cette ambiance festive qui a toujours enjolivé les familles burundaises en fin d’année civile. Père Noël semble avoir déserté les lieux pour d’autres horizons.

Noel en queues interminables

Un petit tour dans la capitale économique du pays montre à quel point le cœur n’est pas à la fête. Les stations-services restent toujours assiégées par des files interminables de véhicules, s’étendant à perte de vue, attendant le carburant, ce produit devenu rare ces derniers temps. Ici des conducteurs ont transformé les sièges de leurs véhicules en couchette ; là, d’autres forment de petits groupes à se lamenter sur leur sort. Tout ce monde a un point commun, les soucis de bien célébrer Noël viennent au second plan. L’urgence est d’être servi en carburant, l’on verra la suite après.

Devant les guichets automatiques des banques, quelques clients sont alignés pour voir si la paie du mois de décembre a été effectuée. Certains en sortent avec un sourire timide, d’autres affichent un visage renfrogné et un air abattu. Problème de connexion ou provisions insuffisantes, tout cela ne fait qu’accroître la tristesse.

Dans une grande alimentation située non loin de la banque, excepté un grand et beau sapin de Noël posé à l’entrée, rien n’indique que l’on est à la veille de ce grand jour. A l’intérieur, il y a plus de travailleurs que de clients.

« Noheli yahomvye… » 

Sur le marché dit de Cotebu, le spectacle est identique. Une foule impressionnante grouille sur le parking automobile. A l’intérieur du marché cependant, les affaires marchent au ralenti. Les étals pourtant bien achalandés de marchandises en particulier les denrées alimentaires comme les fruits et légumes, les bananes, les pommes de terre, les céréales, etc., semblent avoir été désertés par les acheteurs. Les vendeurs appellent désespérément tout passant qu’ils prennent pour des acheteurs. Une vendeuse de tomates, regardant tristement sa marchandise qui commence à s’abîmer chante avec tristesse des vers de complainte : « Noheli yahomvye, Noheli yahomvye ». Les petits garçons vendeurs de sachets et les portefaix suivent au moindre pas toute personne, surtout les dames, qu’ils croient être des acheteuses. Ils ne les quittent pas d’une semelle, tel un défenseur et son attaquant dans une phase finale de la coupe du monde de football. Les plus chanceux pourront vendre quelques sachets et auront quelques centaines de francs pour le transport.

Et Jésus fut…

Dans les grands magasins et alimentations du centre-ville, l’ambiance n’est pas vraiment très différente. Hormis quelques sapins de Noël qui ornent les devantures des grands magasins et autres grands édifices privés, rien n’indique qu’on est à la veille d’un grand jour. Même les vendeurs de sapins habituellement en nombre impressionnant sur les principales artères et autres importantes places publiques, se font curieusement très discrets. Les bousculades, l’énervement, l’atmosphère fébrile et l’effervescence généralement observés dans des moments pareils font place à un calme déconcertant. Les grandes boucheries et charcuteries ne sont visitées que par les grands. Les magasins d’habillement pour enfants reçoivent quelques parents qui achètent tout en murmurant quelques plaintes.

En cette veille de Noël, vraiment le cœur n’y était pas, les dieux de la fête ont déserté les lieux. Les principaux accusés : inflation, crise économique mondiale, chômage, baisse de la production, dépréciation monétaire. Il reste cependant un rempart et un espoir : la naissance imminente du Christ pourra dissiper ces nuages qui s’amoncellent et nous ouvrir une nouvelle année de lait et de miel.

 

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