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Coups d’Etat en Afrique : quand le passé refuse de passer

Mali, Guinée Conakry, Burkina Faso.  Vous voyez à  quoi je fais allusion ? Si la réponse est oui, alors vous êtes d’accord avec moi que nous vivons  la résurgence de la récupération du pouvoir par la grande muette.  Mais comment l’expliquer alors que l’Afrique semblait bien partie pour la  conquête du pouvoir  par la voie des urnes ?

Commençons par la toute récente actualité. Le Burkina Faso, le pays  des hommes intègres et de Thomas Sankara. Contre toute attente, le fraîchement réélu Roch Marc Christian Kabore est renversé par les hommes en uniforme. Avec à la tête le commandant de la  3ème région militaire, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba sorti de l’école de guerre de Paris (je vous vois déjà murmurer, ah la France encore). Comme d’autres coups d’État, la constitution est vite suspendue, les frontières terrestres fermées. Ce pays, où l’on pensait que l’éviction de Campaoré avait signé une nouvelle ère aura surpris plus d’un. 

Mais avant le Burkina,  un autre homme en treillis, taille imposante, lui aussi formé en France, pays dont il a d’ailleurs servi, avait mis de côté l’octogénaire Alpha Condé. Celui-là même qui venait de modifier la constitution pour se représenter aux présidentielles qu’il a remportées sans surprise évidemment. Depuis, le  lieutenant-colonel Mamady Doumbouya est aux commandes du pays malgré les sanctions de la Cédéao. 

Les sanctions de la Cédéao, c’est aussi au Mali qui a à sa tête le colonel Assimi Goïta, lui qui a le mérite d’avoir opéré un coup d’état dans un coup d’état et dont la volonté  d’instaurer une transition de cinq ans vient de lui valoir les dures sanctions de la Cédéao.  

La liste n’est pas exhaustive. On pourrait par exemple parler du Tchad, mais  parce que le contexte est un peu différent, laissons-le de côté.

Comment expliquer ce retour des hommes en treillis ?

Renaissance. Le mot est bien choisi. Car, à un moment en Afrique,  les coups d’État étaient légions.  Pour preuve, depuis  1950, plus de 200 coups ont été opérés. Mais ça, c’était au 20ème siècle.  

Ce n’est qu’actuellement, au 21ème siècle que nous sommes en train d’assister au retour des militaires. Et étonnamment, ils sont bien accueillis par l’opinion, la jeunesse essentiellement. 

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est un Doumbouya, un  Goïta  qui semblent  portés par la jeunesse africaine. Une jeunesse,   et c’est de l’avis des spécialistes,  victime de l’insécurité grandissante dans leur pays. Une jeunesse  qui clame sa fatigue des tripatouillages des constitutions. Une jeunesse qui dit ne plus tolérer des mandats « éternels ».  Bref, « une population de jeunes frustrés, éduqués, non éduqués ou  à peine éduqués, sans emploi et de plus en plus inaptes au travail qui voient les possibilités de leur participation à la gouvernance nationale de leur pays tronquées par des personnes qui veulent conserver le pouvoir ». Une  jeunesse qui  dit vouloir se débarrasser de carcans  colonialistes ou de l’influence des anciennes puissances colonisatrices. 

Ce sont donc des militaires, jeunes pour la plupart, qui surfent sur cette vague et qui semblent ne pas craindre  les  sanctions  des organisations régionales dont sont membres leurs pays. 

En tout cas, comme le dit bien le politologue Gérard Birantamije, la vague est si grande et puissante que l’on n’hésiterait pas  de se demander  si  les rares démocraties du continent pourront résister aux assauts des armées. Ou si  les armées pourront sauver les rares démocraties du continent.  Ces deux questions  repositionnent l’armée dans le débat sur le devenir de l’Etat démocratique.

 

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