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Comment se faisait le business à Usumbura dans le temps ?

La reconstruction de l’ex-marché central se fait toujours attendre. Rien n’indique que ce projet aboutira dans les prochains jours, mais laissons ça de côté. Et si on remontait le temps pour découvrir la genèse du business dans la capitale économique ? Ce blogueur nous propose un flash-back de l’activité commerciale à l’époque coloniale au marché d’Usumbura. 

Pour la nième fois, le conseil des ministres s’est penché sur le projet de construction d’un centre commercial ultra moderne à la place de l’ex-marché central. Les travaux seront réalisées par l’Association des Banques et Etablissements Financiers (ABEF), à travers une société mixte dénommée « Mukaza Business Center SM ». 

Ladite société en gestation aura un capital social de 60 milliards de Fbu avec une  libération d’un dixième de ce montant pour réaliser la première phase du projet concernant les études de faisabilité, lit-on dans le compte rendu du conseil des ministres du 20 juillet 2022. Dommage pour la Banque des Femmes et la Banque d’Investissement des Jeunes qui se sont vues exclues du projet, car ne  remplissant pas les conditions.

Au centre-ville, les ruines de l’ex-marché central attirent l’attention des passants. La question relative à sa réhabilitation est sur toutes les lèvres, d’autant plus que les appels d’offres jusque-là lancés n’ont jamais abouti. Le rêve de voir un centre commercial moderne pousser sur les cendres de l’ex-marché central semble s’éloigner de plus en plus. En attendant, le début des travaux proprement dits, remontons le temps pour voir comment se faisait le business au centre-ville de Bujumbura à l’époque coloniale. 

Une région très dynamique 

Un explorateur allemand livre son analyse sur les conditions de vie de nos ancêtres à travers un livre intitulé les « Barundis ». D’emblée, l’œuvre montre que le commerce existe depuis la nuit des temps. D’après Hans Meyer qui rédigea les « Barundis », le commerce se concentrait au niveau de la plaine de l’Imbo. La ville d’Usumbura était un centre de négoce par excellence, de par sa proximité avec l’ex-colonie belge : le Congo. Le document évoque des flux de marchandises de l’intérieur du pays vers les marchés quotidiens (ubuguriro). Celui d’Usumbura était emblématique. De plus en plus de gens du Tanganyika (actuel plaine de l’Imbo) se déplaçaient vers l’intérieur de l’Urundi pour y acheter des peaux des bêtes et de la cire et les ramenaient à Usumbura, relate cette étude ethnologique menée en Afrique orientale au courant des années 1900. « En 1911, on a compté 18000 à 20000 peaux de bovins arrivant chaque année de l’intérieur de l’Urundi à Usumbura avant d’être exportées au Congo voisin », peut-on lire dans les « Barundis ». 

Actuellement, le centre-ville est très animé. L’endroit est noir de monde. Tous les bus partent et garent tout près de l’ex-marché central. Les gens fusent de partout alors que les produits sont entassés à même le sol. Par l’intermédiaire d’un mégaphone, les revendeurs ne cessent de vanter la qualité de leurs produits. Ils en profitent pour inviter les passants à échanger leurs anciens billets ou encore recoller les morceaux de billets abîmés. Sous un soleil de plomb, les femmes commercialisent des articles divers constitués essentiellement de cacahouètes, de fruits, de légumes, du poisson fumé ou frais et le Chichwange (uburobe). Le commerce du matériel scolaire prolifère surtout que la rentrée scolaire approche à grands pas. 

Le commerce ambulant ne date pas d’hier

Vers 1900, le marché d’Usumbura à lui seul attirait quotidiennement environ 5 000 personnes. Il se tenait comme tous les jours le matin entre 6 et 11 heures. La surveillance exercée par l’administration allemande faisait que tout se passe de manière très ordonnée. Une halle sous la forme d’un grand toit de tôle ondulée servait de refuge contre la pluie et le soleil accablant. Les vendeurs, des femmes pour la plupart, étaient accroupis là-dessous ou à l’air libre en longues rangées. Chacun d’eux étalait sa marchandise devant lui, dans des paniers, sur des nattes ou sur des feuilles de bananier, décrit l’auteur du livre les « Barundis ».

Les denrées alimentaires (huile, sel, poisson, maïs, farine, bananes, arachides, patates douces,…) prédominaient au marché d’Usumbura. On n’y trouvait également d’autres articles tels que les nattes, les peaux, les cruches et les abats (viande de bœuf, chèvres, moutons, poules,…). La liste des marchandises n’est pas exhaustive. Sur la côte Nord-Est du Tanganyika, des milliers de gens marchandaient et criaient alors que l’ordonnance du 15 janvier 1951 interdisait toutes les transactions commerciales dans un rayon de 15km autour des marchés. 

Le Heller en lieu et place du Fbu

Les Barundi des régions reculées de l’intérieur du pays échangeaient entre eux des produits du sol contre d’autres produits du sol, ou contre des chèvres, des moutons, des peaux, de l’étoffe d’écorce, des pots, des houes en fer …. Cette action d’échanger un produit contre un produit s’appelle le troc. 

En Urundi, la monnaie la plus courante était la perle rose appelée simsim ou samsam; enfilées sur une ficelle longue d’environ 30 cm. Elles constituaient l’unité monétaire d’une valeur de 3 Heller. La monnaie qui avait cours sur les principaux marchés était le Heller allemand, une petite pièce de cuivre. En 1904 : une roupie valait 100 Heller. 

Pas que du business, la détente aussi

Le marché tel que décrit par Meyer était non seulement perçu comme un centre de négoce, mais aussi un lieu de rencontre. Beaucoup de Barundi allaient  au marché même quand ils n’avaient rien à acheter ni à vendre, juste pour converser. Ils échangeaient des nouvelles autour de la bière locale « pombe ». On y parlait affaires, on y discutait de tout et de rien. On y faisait aussi toutes sortes d’autres choses, utiles ou superflues. Quand le coin à bière était trop animé ou qu’on en venait aux mains, la police du marché faisait rétablir le calme avec l’aide des éléments pacifiques.

De façon caricaturale, cela ressemble étrangement à ce qui se passe de nos jours. Suite au phénomène de chômage, les gens se rassemblent au kiosque de la Brarudi pour papoter. Les gens  y viennent pour tuer le temps. Ils y passent des heures et des heures à scruter le moindre mouvement des passants. Parfois, la police procède à des rafles pour débusquer les sans-papiers ou traquer les commerçants ambulants. 

 

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