Les personnes vivant avec un handicap souffrent souvent de manque de considération. Et quand elles sont engrossées, le cauchemar se transforme en un double calvaire. Ceci est un récit d’Yvonne Irakoze qui, au lieu de rentrer de l’école avec un diplôme, est revenue avec une grossesse.
C’est au-delà les collines de Rwankona de la zone et commune Kiremba (province Bururi) que nous avons trouvé la famille d’Yvonne. C’est un après-midi plutôt froid, la région est connue pour son climat montagneux humide. L’accueil est plutôt chaleureux. Toute la famille est réunie. Yvonne marche en claudiquant. A peine nous salue-t-elle que nous comprenons qu’elle a des problèmes de diction. Yvonne a maintenant 30 ans.
Elle est née normalement comme tout le monde, mais elle est devenue handicapée à l’âge de 3 ans. « Très tôt, j’ai commencé à voir que ma fille n’évolue pas comme les autres. Elle n’arrivait pas à s’asseoir jusqu’à ce que je lui fasse une petite chaise. C’est à l’âge de 4 ans qu’elle a à peine appris à marcher », confie Rachelle Nizigama, la maman d’Yvonne. C’était un petit soulagement pour la famille. Plus les jours passaient, plus sa mère remarquait qu’il y avait des anomalies dans sa croissance. « Il lui était incapable de tenir des objets dans ses mains. Elle ne pouvait pas bien parler ou agencer les mots ». Heureusement, petit à petit elle s’adapte aux petits travaux ménagers comme ses grands frères et sœurs. A 8 ans, elle commence l’école comme les autres, mais il y avait un petit souci au niveau de l’écriture car elle avait des problèmes avec ses doigts. « Elle n’était pas nulle car elle a pu atteindre la 6èmeannée primaire. Sauf qu’elle ne réussira pas pendant deux ans au concours à cause de son écriture qui n’était pas lisible », témoigne la maman.
Un petit trimestre à Makamba et sa vie bascula
Apres avoir passé à deux reprises le concours national sans réussir, la mère d’Yvonne décide de l’envoyer dans une école spécialisée pour les enfants vivant avec handicap. Elle y passe un trimestre et revient pour les petites vacances. Jusque-là tout est normal. C’est à son retour à l’école que le pot aux roses est découvert. « Quelques semaines après le début du second trimestre, on me l’a renvoyée pour motif qu’elle avait été ‘’blessée ‘’. Je suis tombée des nues, me demandant comment cela a pu lui arriver ».
Pour en avoir le cœur net, la mère d’Yvonne l’amènera au centre de santé le plus proche pour des examens. Les résultats vont confirmer la triste nouvelle. Yvonne est bel est bien enceinte. Mais de qui ? Comment cela lui est-il arrivé ? Des questions sans réponses pour la mère d’Yvonne. Sa fille est restée muette jusqu’à l’accouchement. Ce n’est que plus tard qu’elle apprendra qu’elle avait été engrossée par un boutiquier de la localité.
Son rêve ? Fonder un foyer
Pendant que toute la famille se demandait comment ce drame a pu se produire, le fameux boutiquier avait déjà pris la poudre d’escampette. Et Yvonne ne l’avait pas dénoncé avant pour qu’on puisse s’occuper de son cas. Dans l’entretemps, une jolie petite fille grandissait. Son nom ? Pendo Irakoze qui souffle ses trois bougies déjà. En aparté, Yvonne révèle le déroulement de l’affaire. Le boutiquier a commencé par lui faire des avances en lui donnant de petits trucs gratuitement. Au fil du temps, les attouchements ont commencé. Yvonne ne comprenait rien de tout cela. Il finira par l’inviter chez lui pour coucher avec elle.
En dépit de tout ça, Yvonne regrette que sa famille ne l’ait pas soutenue dans les dures épreuves. « Je ne suis pas traitée comme les autres enfants. On me contraint de rester cloitrée à la maison ». Un mal qui la ronge silencieusement. Malgré tout ces malheurs, elle garde un rêve : fonder un foyer un jour, comme les autres filles.