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« Sindumuja »-« DD » : peut-on encore avoir une opinion sans être étiqueté ?

En une seule semaine, j’ai goûté à l’effet essuie-glace de nos points Godwin à la mode : un opposant farouche et un inféodé au pouvoir actuel. Est-ce encore possible de discuter sans recevoir à la gueule une étiquette qui discrédite a priori tout ce que vous avez à dire ?

« Plus une discussion en ligne dure, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de un. », là voilà, la fameuse loi empirique dite de Godwin car énoncée par un certain Mike Godwin. 

Un raisonnement fallacieux qui tente de mettre à mal l’argumentaire d’autrui. Non par argumentation, mais par une démolition pure et simple en l’ associant à une personne ou idée brandie comme peu recommandable. Elle s’applique, malheureusement,  aussi sur les discussions offlines.

Il y’a peu je discutais dans un bus avec un jeune homme sur la nouvelle réforme des retraites. Il était enthousiaste envers le projet. Ignare sur le sujet, je ne faisais que poser de toutes petites questions élémentaires. « La production nationale est-elle à même de supporter ces nouvelles charges ? Y’aurait-t-il des répercussions sur les impôts et taxes ? »

En lieu et place des explications de la part de mon voisin, je n’ai eu droit qu’à des affligeants « vous avez toujours été comme ça », « les Sindumuja vous êtes des éternels insatisfaits » et la meilleure « vous voulez que l’on donne le pays à vos oncles Belges ? 

Quelques jours après, cap sur Gitega. J’en profite pour rendre visite à un ami qui y réside. Je ne crois pas avoir sombré dans une louange fanatique ou répété des slogans de propagande, j’ai juste fait mention de quelques progrès en infrastructures que la ville connaît. « Mec, tu es un DD, tu n’es pas lucide dans ton jugement. »

À chacun son Hitler ?

Qui oserait affirmer que les Burundais ne sommes pas de grands manichéens ? Je ne vais pas prendre pour échantillon absolu un de mes professeurs qui a répondu à un étudiant qui essayait de réclamer un point de plus : « Jeune homme, quand une lampe n’est pas allumée, elle est éteinte. » Mais…

À l’image de cette sentence irrévocable de mon professeur, quel Burundais n’a pas encore entendu que  « ikitera kiba cirabura[Ce qui n’est pas blanc est forcément noir] et « iyitavyaye inyana ivyara ishuri[Quand une vache met bas, c’est un veau ou une velle , rien d’autre] . »

De quoi se demander si cette vision binaire du monde  peut ou pas affecter notre vision de l’Autre. Nos rapports avec l’Autre  nous classent dans un angélisme qui tranche avec le label d’incarnation du Mal que nous étiquetons facilement à l’Autre.

En me regardant dans un miroir, je n’ai jamais vu aucune marque sur mon front estampillée Sindumuja.  Je ne m’en réclame même pas. DD ? Mêmement. Et pourtant ces deux points Godwin ont suffi pour me caser. 

On ne peut pas discuter deux minutes sans avoir déjà discrédité les thèses de son interlocuteur parce qu’il est de tel ou tel autre bord ou c’est moi qui ai eu la malchance de tomber sur deux personnes allergiques au débat ?

 

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Les commentaires récents (1)

  1. I enjoyed reading this article, and, indeed, when it comes to polarisation, Burundi is no different than any other country in the world, it seems. The polarisation of political views has created a world where one would nearly fear saying what she thinks. I find that since the first election of pres. Trump this has only got worse. Trump was so obnoxious that those who opposed him stopped following people who didn’t. The problem with that, of course, was that you only headr one side of the fence, and nothing else. Critical thinking has nearly disappeared. The comparison with Hitler was rightly used against Trump but has now become a mainstream insult for those on the right side of the fence, and that is wrong. I have stopped trying to argue on social media, and I choose the people I have discussions with (here in Ireland and in my homeland Belgium). We here in Europe face the struggle of having to combat more and more people with a clear racist agenda, the anti-immigrant lobby, who often also side with the anti-vaccine and pro-conspiracy theory. This is again a consequence of polarisation. We need to find the Middle Road again, and that will take years to achieve.