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Réintégration des anciens dignitaires : une faveur ou un droit ?

Les régimes se succèdent, les nominations aussi. Bénéficier d’un décret présidentiel est une chance. Mais, au bout d’un certain temps, la chance sourit à un autre. On est remplacé. Normalement, la réintégration devrait être automatique. Pourtant, certains peuvent passer des mois, voire des années sans en bénéficier. Un vrai calvaire. Témoignages et quelques éclaircissements sur cette question. 

Ils sont nombreux en chômage prolongé après avoir été remplacés par décret présidentiel. Ils étaient des directeurs généraux, des directeurs, etc. Leurs nominations avaient été chaleureusement arrosées croyant à un avenir meilleur. « La vie commence. Il faut quitter les quartiers populaires et pauvres. Il me faut trouver un moyen de déplacement. Mes enfants doivent fréquenter une autre école, etc. », se disent certainement les chanceux, après que le fameux décret présidentiel est tombé.

Au bout d’une année, deux ans, voire trois ans, ils sont remplacés. D’autres visages débarquent. Ils doivent plier bagage et attendre qu’ils soient réintégrés dans leurs postes d’origine. 

Des lendemains compliqués

Parmi eux Isaac qui vient de passer plus de cinq mois au chômage. « Je commence à me décourager. Je venais de passer deux ans au poste de directeur dans un ministère. Et voilà, j’ai été remplacé, mais la réintégration tarde à venir », raconte-t-il laconiquement. Aujourd’hui, il affirme qu’il lui est très difficile de payer le loyer, de faire vivre sa famille. Pire encore, il avait déjà contracté un petit crédit pour construire une maison. « J’étais juste au niveau de la charpente ». Cet homme dans la cinquantaine avoue que son quotidien se complique du jour au jour. « Après ma nomination, j’ai déménagé pour aller occuper une maison vaste. Avant je payais 200 mille BIF mais maintenant je dois débourser 500 mille BIF rien que pour le loyer », indique-t-il.  Il craint que la Banque ne saisisse sa parcelle parce que « elle continue de calculer les intérêts de retards». 

Isaac n’est pas le seul. Oscar Ndorukwigira, 50 ans totalise déjà une année au chômage. Il était directeur général d’une entreprise étatique. Il n’espère plus être réintégré un jour : « Je ne suis plus optimiste. Et je me suis adapté. Aujourd’hui, je vis grâce aux revenus de mon épouse, aux amis ou aux petits investissements que j’avais faits. » 

« La réintégration est un droit »

Interrogé, un expert en la matière y voit une injustice et une violation de la loi. « La réintégration devrait être rapide pour permettre à ces anciens dignitaires de continuer à servir le pays et à subvenir aux besoins de leur famille. C’est un droit », analyse-t-il, sous couvert de l’anonymat. En effet, explique-t-il, être remplacé dans un poste technique ne signifie pas qu’on a démérité.  « Ce n’est pas une sanction. Le concerné devrait retrouver son poste d’origine ou être intégré ailleurs », estime-t-il. 

La loi est sans équivoque à ce sujet

Ces propos de l’expert rejoignent les dispositions de la loi du 29 octobre 2009 portant intégration administrative des mandataires politiques et des cadres techniques. Dans son article 2, il stipule qu’à la fin de leur mandat, les mandataires politiques et les cadres nommés par décret ou par instruction intérieure du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat sont mis à la disposition du ministère ayant la fonction publique dans ses attributions. « Ils sont affectés par priorité sur demande des intéressés dans un délai ne dépassant pas trois mois dans un des services de l’administration publique », précise le même article. Cette même loi ajoute, dans son article 3, que leur intégration se fait selon leur diplôme, au grade et à l’échelon correspondant à ceux accordés par le Statut général des fonctionnaires en tenant compte de la cotation durant la période de leur mandat. « Après intégration, l’intéressé est régi par le Statut général des fonctionnaires », stipule cette loi promulguée par feu président Pierre Nkurunziza.

 

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