Alors que l’âge légal du mariage au Burundi est de 18 ans pour une fille et 21 ans pour un garçon, cette disposition de la loi n’est pas respectée dans certains coins du pays. Et les conséquences ne manquent pas.
C’est lors d’une tournée en commune Bururi que je décide de découvrir les coins éloignés du centre urbain. Dans un petit dilemme de choix, un de mes amis me propose d’aller visiter les montagnes de Nyemanga. Pour y arriver, il faut faire une descente à 20%, sur une route bitumeuse. Il va sans dire qu’il faut y aller mollo. Arrivé dans la vallée de Nyemanga, on découvre les locaux du barrage hydroélectrique. Seul le bruit sourd des turbines trouble le silence apaisant de ce coin du Mugamba. Nous continuons notre chemin, cette fois-ci sur une route en terre battue. Cap vers la zone Gasanda sur la colline Burunga. La zone est située sur les montagnes de Nyemanga. Les gens sont accueillants, souriants et pas seulement. Ils se connaissent presque tous. Facile donc que les nouveaux venus soient vite repérés.
Après une minute de marche, je tombe sur Enock Ntibatebakumva, le seul électronicien de la localité. Assis devant sa petite boutique, il mène une joyeuse discussion avec une fille apparemment de son âge. Après de brèves salutations, je lui pose une question, histoire de le taquiner. « Elle est jolie la fille. Est-ce ta future épouse ? ». Avec un sourire malicieux, sa réponse est plutôt coquine et directe. « Ici il fait chaud, autant que la jeunesse qui y habite », lance-t-il. Et la discussion commence.
Marié avant l’âge
Malgré son apparence juvénile, le jeune Enock affirme qu’’il s’est marié à 17 ans, encore sur le banc de l’école. « J’ai rencontré ma femme quand j’étais à l’école. Adolescent, promettant ciel et terre, la fille a fini par accepter de me suivre », relate-t-il. N’ayant pas l’âge requis pour se faire inscrire à l’état-civil, les tourtereaux ont dû vivre ensemble dans l’illégalité. « On a d’abord loué une maison à Rumonge où j’étais réparateur de téléphones. Ma femme ne faisait rien. Je devais donc travailler dur pour gagner notre vie », poursuit Enock. Maintenant, le jeune de 24 ans vit avec sa femme à Gasanda. Heureusement pour lui, il a pu faire le mariage en bonne et due forme, plus tard.
Loin d’être un cas isolé
L’histoire d’Enock résume celle des autres jeunes de cette zone. Beaucoup de jeunes garçons ont quitté l’école pour se marier alors qu’ils n’avaient pas encore l’âge requis. Ils finissent leur course dans les petits métiers. Motard ou boutiquier, voilà en quoi se réduit leur avenir. D’autres prennent la route pour aller voir là où l’herbe est encore plus verte.
Comme le confirme Saidati Murekerisoni, jeune fille de la colline Burunga, les mariages précoces sont une réalité. « Je connais des filles de ma génération qui ont fondé leur foyer à 16 ans, voire moins ». Quant à Hélène Habonimana, une femme quinquagénaire, elle affirme que deux de ses fils se sont mariés avant l’âge de 18 ans. Mais ce n’est pas seulement ça. « Une fois je me suis réveillée et j’ai trouvé une jeune fille chez moi. Quand j’ai demandé à mon fils, il m’a juste répondu que c’est ma belle-fille. Je ne pouvais rien faire ». Lors de notre visite à Burunga, on a également appris que ces nouveaux couples vivent illégalement et attendent l’âge requis pour aller à l’Etat-civil ou cherchent simplement de faux documents falsifiant leur âge exact.
Un combat de tous
Malgré cette triste réalité, Eliphase Niyondiko, chef de la zone de Gasanda relativise. « Les mariages précoces n’existent plus. C’est un phénomène des années 90. Maintenant, quand on apprend qu’il y a un couple qui se marie illégalement, nous exigeons qu’il passe impérativement à l’Etat-civil pour régulariser la situation ».
Du côté de l’administration provinciale, Juvent Ndayikeza, chef de cabinet du gouverneur de Bururi, ne nie pas le phénomène. Il demande plutôt aux familles de rester vigilantes, de veiller à la bonne éducation de leurs enfants et de dénoncer toute union conjugale illégale.