Pour le match contre la Centrafrique, la fédération a annoncé qu’il n’y aura que 5000 places, Covid oblige. L’animation du stade passera incontestablement par le collectif des supporters de l’équipe nationale. Zoom sur le parcours et les préparatifs de ce douzième joueur.
« Intamba tupa ndaaaaniii », « Centrafrique tupa injeeeee ». Ovation nourrie. Comme tous les dimanches matins et mercredis après-midi, l’orchestre des inconditionnels de l’équipe nationale s’est donné rendez-vous au centre islamique de Nyakabiga. Après une partie de foot et une répétition de la chorale assortie de son orchestre, place à l’élaboration de la stratégie idoine pour le match qui approche.
La trentaine de tifosi squatte une salle de classe du lycée attenant. Des tambours bariolés des couleurs nationales gisent sur les bancs pupitres. Sur le tableau noir fissuré, un artiste-fan a dessiné à la craie blanche le maillot du crack Saidi Ntibazonkiza floqué de son mythique numéro dix. Dehors, les footballeurs du dimanche tapent dans le ballon. Dans la classe, on prépare « urubanza », la rencontre contre le fauves de l’Oubangui, coté gradins.
Au fond de la salle se pointe, calme, un homme en survêtement des Intamba. Il est moins bavard que ses amis, des vrais moulins à paroles, ceux-là. C’est lui l’initiateur du collectif des supporters des Hirondelles, Placide Niyonizeye.
Placide, c’est avant tout l’histoire d’un mordu du foot. Cet ancien coéquipier de Ntibazonkiza dans les parties de foot de rue à Cibitoke quittait son quartier à pied pour assister aux matchs au stade.
Les jambes frêles du gamin de douze ans n’avaient que faire de la distance, du soleil de plomb et de la pluie. « Je n’étais même pas sûr de voir le match mais quand il y’avait des génies comme Blaise Karorero sur le terrain, il fallait tenter le tout pour le tout pour entrer dans le stade », se rappelle-t-il.
Plus on est des fans, plus on crie.
2006, beaucoup d’eau est passé sous les ponts. Beaucoup de ballons ont crevé sur les terrains mais l’amour pour le ballon rond n’a pas subi les ravages du temps chez Placide. Bien au contraire. Le marmot de Cibitoke est alors devenu le chef des fans de Flamengo FC et continue son bonhomme de chemin dans le monde du foot.
2015, l’idée de réunir les tifosi des clubs autour de l’équipe nationale fait tilt. Il va surfer sur la vague Buja FM qui donne la part belle aux infos sportives. « Arsène Bucuti (journaliste sportif à Buja FM) m’a beaucoup aidé dans la sensibilisation. J’étais moi-même souvent invité dans ses émissions pour expliquer mon projet », explique Placide.
De fil en aiguille, son rêve prend forme. Sur sa route, le natif de Cibitoke rencontre Hypax Bigirimana, l’auteur et interprète de « Intamba mu Rugamba », morceau qui fait l’éloge des rouge-blanc-vert dont il est passé pour hymne. Le duo jouera un grand rôle en ce qui concerne l’attractivité d’Intamba fans.
Qui se ressemblent s’assemblent, dit-on. Hypax est lui aussi un fou du cuir, ancien médecin de l’équipe de l’armée nationale, Muzinga. Il apporte avec lui une touche spéciale pour animer les gradins: « En tant qu’ancien membre du fanfare du camp militaire de Ngagara, j’avais des connaissances sur le maniement des instruments utilisés par les fans, les cuivres et les percussions.»
« Pour certains, je suis juste une fille qui cherche à charmer les joueurs »
Intamba fans, c’est des jeunes et des moins jeunes. Des fonctionnaires, des mécaniciens, des étudiants et j’en passe. Des supporters des clubs rivaux mais qui ne jurent que par l’union sous les couleurs nationales. Un fan de Vital’o et celui de son éternel challenger Inter star mettent de côté la rivalité mauve-blanc versus noir-blanc.
Dans cette mosaïque, une composante est manifestement sous-représentée, les femmes et les filles. Pas de quoi troubler Brenda Ingabire, une supportrice dans la vingtaine venue de Ngozi pour préparer l’urubanza de vendredi. « Cela fait deux semaines que je suis à Bujumbura pour les répétitions », révèle la protégée de Placide qui l’a repérée grâce une vidéo d’elle qui circulait sur la toile.
Si cette diplômée en finance et comptabilité est bien accueillie au sein d’Intamba fans, cela n’est pas le cas dans son entourage. À Ngozi, le fait qu’une fille suive Le Messager FC, son équipe de cœur, dans tous ses déplacements est mal perçu. « Pour certains, je suis une fille qui cherche à charmer les joueurs », regrette Brenda. « Je le fais par amour du foot et cela ne m’a même pas empêché de venir à bout de mes études universitaires. Heureusement que ma famille a fini par me comprendre. »
Les Fauves de l’Oubangui peuvent en être sûrs, ils ne trouveront pas des Hirondelles esseulées dans leur nid Intwari. La bande à Placide, Hypax, Brenda et compagnie compte bien remplir le stade de leurs décibels.