L’histoire du Burundi a connu des hauts et des bas. Elle est jalonnée des conflits liés à l’accession au pouvoir et/ou à sa gestion, pour le moins que l’on puisse dire, chaotique. Retour sur certains éléments constitutifs de cette histoire conflictuelle, synonyme d’un passé qui ne veut pas passer.
Une idée d’abord sur l’origine du Burundi tel que nous le connaissons aujourd’hui. Comme le rappelle Blaise Izerimana, participant au débat, le Burundi n’était au départ composé que de petites royautés, chacune indépendante. Venu de la Tanzanie ou du Rwanda, Ntare Rushatsi a unifié ces principautés avant que Ntare Rugamba ne dote le pays des frontières que nous lui connaissons actuellement.
Pour Fidèle Bavumiragiye, Ntare Rushatsi Cambarantama, venu avec des pouvoirs surnaturels fut intronisé roi par les différents clans. C’est donc là l’origine du Burundi qui serait en réalité le rassemblement des différents petits royaumes tenus par des clans.
Une idée que corrobore l’historien Aloys Batungwanayo pour qui ce sont les principaux clans qui se sont coalisés pour unifier le royaume du Burundi.
Un royaume pas exempt de conflits
C’est le conflit Bezi-Batare qui semble être resté dans les mémoires comme caractéristique des conflits ayant marqué la royauté. Un conflit qui, selon Vianney Arakaza, résulte des luttes de pouvoir entre Mwezi Gisabo et Twarereye, véritable héritier. Ce dernier a été évincé par Mwezi Gisabo, d’où l’origine du conflit Bezi Batare.
Mais Christophe Ngendakuriyo semble vouloir recadrer les précédents propos. D’après lui, ce conflit est né lorsque Ndivyariye, régent de Mwezi Gisabo est écarté par ce dernier quand il devient adulte. De ce conflit naîtra les rivalités Bezi-batare.
Cette idée, il la partage avec l’historien Emile Mworoha. Pour cet universitaire, Mwezi Gisabo hérite le trône, aidé par ses frères Rasha, Birori et Ndiviyariye au détriment de Twarereye. Ndivyariye assurera la régence. Mais ce dernier entre en conflit avec Mwezi Gisabo. Par la suite, c’est Ndivyariye qui s’installe à Bweru, lui et sa descendance, Kanugunu et Busokoza. Ils ne reviendront plus au palais. C’est là donc le début de ce conflit Bezi-Batare.
Les colonisateurs face au conflit Bezi-Batare
« Les blancs auraient catalysé le conflit Bezi-Batare et renforcé les divisions ethniques. Ils pratiqueront par ailleurs les discriminations ethniques en faveur des tutsi. Pour eux, les hutu étaient d’office jugés incapables de gouverner », estime Charlène Ndayikeza, participante au débat.
Mais Jean Claude Bigirimana ne l’entend pas de cette oreille. Il trouve que si les blancs sont venus malgré la résistance farouche des Burundais, ils ont travaillé pour développement du pays. Seulement, ils ont trouvé les Burundais divisés. C’est aussi l’idée d’Ezéchiel qui indique que les colonisateurs ont exploité ces divisions pour leurs intérêts.
Cependant, Emile Mworoha donne un peu plus de détails quant au rôle des colonisateurs dans le conflit Bezi-Batare. Selon lui, si dans un premier temps, les Allemands prennent la partie des Batare, il faut dire qu’ils vont changer de stratégie pour soutenir les Bezi. Auréolé par ce soutien, Mwezi reconquit le Bweru et Kanugunu est tué tandis que Mbazabugabo s’en fuit. C’est ainsi que les Bezi ont pris le dessus sur les Batare.
Il faudra attendra l’arrivée des Belges pour voir les Batare émerger à nouveau. En effet, explique toujours Mworoha, avec la loi de 1925, il y a suppression des institutions royales dirigées par les chefs burundais. Les Belges simplifient les choses en faisant de tous les chefs princes et les sous chefs, des batware.
Qui plus est, ils dirigent le pays sur base de l’idéologie hamitique, avec un argument de race supérieur et de race inférieur. Ils privilégient les tutsi, exigent aussi que les chefs soient baptisés et suppriment l’Umuganuro en 1929.
Avec toutes ces réformes, Mbanzabugabo, un Umutare revient du Bushubi et redevient prince à Bweru. Parallèlement, la famille Baranyaka est mise à l’honneur. Ainsi, les Batare reprennent de l’importance. Le conflit renaît avec l’indépendance. In fine, remarque Mworoha, la Belgique n’a pas résolu le confit Bezi-Batare, au contraire, elle l’a renforcé.
Au-delà de ce conflit Bezi-Batare, ajoute Aloys Batungwanayo, il y a également le conflit clanique entre les Benengwe et Banyakarama. « Mwezi était soutenu par les Banyakarama et Maconco par les Benengwe. C’est tous ces conflits, qui aboutiront aux conflits ethniques. »
Les divisions au moment de l’indépendance
L’avant et l’après indépendance n’amènera pas de changement à ce niveau. Pour Mworoha, la mort de Rwagasore est même un signe éloquent du prolongement du conflit Bezi-Batare. Les Belges soutenant toujours le camp des Batare.
Comme pour appuyer les propos de Mworoha, Belyse souligne qu’après la mort de Rwagasore, il y aura des tueries sur base ethnique. Des divisions ethniques qui vont continuer au fil du temps, sur fond de vengeance.
Avec l’avènement de la République, les divisions vont être renforcées entre les élites hutu et tutsi qui se disputent le pouvoir. En plus de l’ethnisme, nous dit toujours Mworoha, la république engendrera le clanisme et le régionalisme.
En conclusion, Aloys Batungwanayo soutient qu’il est inopportun d’attribuer tous les maux que le pays a connus aux colonisateurs et missionnaires. Il ne faut pas chercher des bouc-émissaires sur lesquels se défouler. Pour en finir avec ces conflits, il faut diagnostiquer leurs causes profondes pour en finir avec l’exclusion des uns et des autres sur base régionale, clanique, ethnique. Le remède peut être amer, mais il faut l’avaler pour guérir.
C’est vraiment riche en contenu mais il faut apporter un Errata au niveau des frères de Mwezi Gisabo.Ce n’est pas Rasha mais Rwasha.