La perte d’un proche devient de plus en plus un business rentable pour certains. Des « commissionnaires de la mort » profitent des moments de dures épreuves pour se faire un max d’argent sur le dos des morts. L’histoire d’une famille qui a passé la nuit du 19 février 2021 à trimbaler un mort à la recherche d’une chambre froide dans les hôpitaux de Bujumbura a réveillé les consciences. Retour sur l’affaire.
La goutte qui a fait déborder le vase est un message audio de plus de quatre minutes dans lequel un homme, d’une voix posée mais triste, raconte son calvaire. Un témoignage poignant qui, tout au début, semble irréel sauf qu’au fil des secondes, il nous brosse une histoire incroyable. Difficile d’imaginer qu’actuellement, trouver une morgue dans un hôpital public de Bujumbura devient un parcours du combattant, plus compliqué que les obsèques elles-mêmes.
Dans le message audio, la personne en question « accuse » un responsable de la morgue de l’hôpital Roi Khaled qui, pour avoir une place, l’oblige d’appeler quelqu’un sur un numéro de téléphone qu’il lui donne. Ce « quelqu’un » lui fait alors un devis de toute une panoplie de services funèbres qu’il doit payer pour avoir droit à une place dans la chambre froide. Il lui enjoint de payer le cercueil, le corbillard, la tombe ainsi que la sonorisation. Sans comprendre réellement ce qui lui arrive, le malheureux se dirigera par la suite à la morgue de l’Hôpital Militaire. Là aussi, on lui refile le même numéro à contacter et encore une fois il a la désagréable surprise de découvrir qu’il parle à la même personne qui semble avoir la main mise sur toutes les morgues de la capitale politique. « Qui est derrière cet ignoble business ? », s’interroge l’auteur du message désemparé. Il sollicite une large diffusion de son malheur pour que tout le monde sache cette ignominie qui gangrène le secteur sanitaire.
Des sanctions tombent comme un couperet
Dans la foulée, l’écho du message parvient au ministère de la santé. La suite ? Une réunion d’urgence est convoquée. Une seule question sur la table, la mauvaise gestion des morgues dans les hôpitaux publics. Après avoir entendu les responsables des morgues, une maison de pompe funèbre « Fleurs Naturelles » est pointée du doigt dans cette sombre affaire. En effet, « le contact téléphonique de son responsable a été à maintes reprises cité par les responsables des morgues ». Immédiatement, des sanctions administratives tombent à l’encontre des travailleurs affectés aux morgues mises en cause. Ils ont même été mis à la disposition de la police judiciaire pour des enquêtes approfondies.
Une affaire qui jette le pavée dans la marre
L’insuffisance des morgues est un problème sérieux tant à Bujumbura que dans d’autres districts sanitaires du pays. On apprend que seules 46 chambres froides sont disponibles dans trois grands hôpitaux publics de Bujumbura. Il est normal que souvent ces hôpitaux ne soient pas à mesure de répondre aux doléances de tout le monde. Toutefois, ce commerce qui se cache derrière laisse plusieurs questions sans réponses concernant la gestion des peu de chambres froides disponibles. Peut-être que le message qui a suscité l’émoi dans l’opinion publique est un arbre qui cache la forêt. Combien de familles endeuillées ont subi le même sort à l’insu du ministère de la santé ? Pourquoi ne pas inciter les investisseurs à créer des infrastructures mortuaires privées pour renforcer celles du secteur public déjà existantes ?
En attendant que cette épineuse question trouve une issue favorable, prions qu’aucun mort ne soit encore malmené au cours de son dernier voyage.
C’est vraiment triste cette histoire
Cela prouve aussi la faiblesse des pouvoirs publics