article comment count is: 0

Un Burundais sans-papiers à Paris : chroniques d’une désillusion

Tim est un jeune burundais qui a immigré en France en 2011. Il est rentré au pays en 2018. Il raconte son expérience de sans-papiers.  Il n’y va pas par quatre chemins : « A partir du moment où vous décidez de partir en France, la manière dont vous quitterez Bujumbura déterminera déjà votre vie future ».

Il faut d’abord savoir que ceux qui demandent l’immigration économique  ont 99,9% de chances de voir  l’ambassade de France à Bujumbura leur refuser le visa. Pour contourner cet obstacle, je décide donc de passer par une autre brèche. J’obtiens un visa de court séjour. Une fois arrivé dans « la terre promise », j’y reste les quelques jours que le visa autorise avant de basculer en mode sans papiers. 

« Un simple contrôle de titre de transport dans le métro peut virer au vinaigre » 

Avec l’expiration de mon visa, les difficultés commencent.  Sans papiers, je n’existe pas. Je joue en permanence au cache-cache avec l’administration et la police.  Je rase les murs en tremblant car même un simple contrôle de titre de transport dans le métro peut virer au vinaigre. Je travaille au noir pour gagner un peu d’argent, je ne peux pas avoir un logement décent sans justificatifs. Je ne peux  prétendre à aucun soutien puisque je n’ai aucun titre de séjour, sauf la seule assistance médicale minimale.

Bien entendu, j’essaie de régulariser ma situation auprès de la Préfecture mais ce n’ést franchement pas gagné, et ça dure des années. Des années pendant lesquelles je n’existe pas, avec toujours la peur au ventre d’être interpellé et expulsé, la fameuse reconduite à la frontière.

La solitude pour seul compagnon

La vie en France n’est pas comme à Bujumbura. A Buja c’est la grande famille, les parents, les oncles, les tantes, les cousins, les amis, etc. En France il n’y a personne. C’est du métro, boulot, dodo. En clair, même s’il y a potentiellement plein de choses à faire, le degré de la vie sociale est proche de zéro. C’est la vie, le boulot et c’est les grandes distances qui font tout ça. 

En ce qui concerne le transport, celui qui n’a pas encore quitté le pays pense au bus de transport en commun de Kamenge ou Mutakura où  presque tout le monde connaît tout le monde. En France ce n’est pas du tout ça. C’est des trains où il y a des noirs, des blancs, des arabes, des asiatiques. Personne ne connaît personne. Ah oui, de temps en temps, on y rencontre des Burundais ou des Rwandais mais la plupart du temps, ils font semblant de ne pas vous voir. Presque tous les matins j’en croise deux ou trois. Ils détournent systématiquement leur regard.

Pour revenir à l’irrégularité, pas mal de nos compatriotes cumulent tous les revers de la vie d’un sans-papier : pas de papiers, pas de travail, pas d’argent, pas de logement, pas de famille, pas de vie sociale. C’est un vrai enfer.

Un homme averti en vaut deux !

Voilà en quoi se résume la vie de nos compatriotes partis illégalement vivre en France. Pour ma part, même si  je suis un dur à cuir, après sept ans de cette  vie de galère, j’ai craqué et je suis rentré au pays. Météo exécrable, choc psychologique, solitude, fragilité émotionnelle, spleen, ajoutés aux problèmes évoqués plus haut, tout cela a fini par venir à bout de ma patience. Pour certain(e)s,  se posent en plus de ce qui vient d’être dit, des questions d’ordre sentimental. Le chagrin de l’amour empire la situation à cause de la distance. « Est-ce qu’il (elle) m’aime encore? Il (elle) me trompe ? ».Voilà des questions qui taraudent l’esprit durant ces années de séparation. C’est comme ça que l’Eldorado imaginaire peut vite se transformer en enfer sur terre. Un homme averti en vaut deux !

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion