Un passé passe quand il ne revient pas tourmenter les survivants. Dans les pays qui sortent des conflits violents, les séquelles peuvent conduire au recyclage de la violence par le mécanisme d’identification et de la répétition inter ou transgénérationnelle, comme l’affirment les experts. Comment alors éviter le cercle vicieux de la violence et son cortège de malheurs ? Lisez les lignes qui suivent.
Le Burundi comme la plupart des pays africains a été marqué depuis de nombreuses années par des conflits violents et leurs conséquences ne cessent de se manifester chaque jour. Les victimes, qu’elles aient vues le jour pendant la guerre, ou grandies après celle-ci, ont développé inévitablement des séquelles.
Et pour cause, dans une société où il y a eu des violences envers un groupe ou encore un conflit entre les groupes, il y a toujours des effets psychologiques et sociaux. Si ces effets ne sont pas analysés et pris en charge, plus tard, ils peuvent être à l’origine d’autres cycles de violence. En d’autres termes, les traumatismes découlant des conflits qui n’ont jamais été traités peuvent être un fardeau qui va se transmettre de génération en génération.
Comment ces traumatismes se transmettent-ils ?
Patrick De Neuter, professeur en psychologie identifie deux principaux mécanismes de transmission des traumatismes : les identifications et la répétition inter ou transgénérationnelle. D’après lui, les identifications sont un processus où un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci. Par exemple, un enfant prend pour modèle les adultes qui lui sont proches, dans la famille tout d’abord, à l’extérieur ensuite. Il adopte la façon de parler des gens qui l’entourent, leurs humeurs, leurs comportements, leurs valeurs et leurs rapports aux lois.
Parlant de la répétition inter ou transgénérationnelle, ce psychologue affirme que ce que nous répétons, et ce que nous transmettons, n’est pas seulement ce qui nous a donné du plaisir. Ça peut être aussi ce qui fut cause pour nous d’un grand déplaisir, voire même d’une grande souffrance.
A partir de là, nous comprenons donc qu’un enfant qui grandit auprès des personnes qui ont vécu des traumatismes peut à son tour les intérioriser ou les extérioriser facilement.
Certains ne transmettent que la « mémoire blessée »
« Qui a été blessé, blessera à son tour », aime-t-on dire. En matière de traumatismes dus aux guerres, le Burundi en a eu son lot et malheureusement, certains évènements traumatisants ne sont pas dépassés par ceux qui les ont vécus ou qui les vivent. Ainsi au Burundi, certains entretiendront par exemple l’esprit de vengeance en transmettant la « mémoire blessée » à leurs descendants, comme l’affirme Aloys Batungwanayo, expert dans la gestion des mémoires. Pour en finir avec cette transmission des mémoires violentes, il faut donc guérir ces traumatismes.
Comment prendre en charge les trauma ?
Qui dit prise en charge des traumatismes, dit traitement du passé. Si l’on veut pouvoir briser le cycle de violence dans notre pays, il nous faut replonger dans notre passé et faire, entre autres, un travail de deuil ou de mémoire. Ce travail de mémoire , d’après certains psychanalystes, est non seulement un devoir envers les générations passées, mais aussi envers les générations à venir, dans la mesure où grâce à la mémoire utilisée à bon escient, on peut guérir les traumatismes apportés par l’histoire et empêcher qu’ils fonctionnent comme une pulsion répétitive. Ainsi, ce travail de mémoire peut être appréhendé comme une possibilité thérapeutique dans la mesure où il permet aux victimes de se réconcilier avec le passé afin d’éviter de changer de statut, c’est-à-dire de passer de victime à bourreau.
Mais ce travail de mémoire est-il aujourd’hui possible au Burundi ? C’est la question à un million de francs burundais.