La secte Nangayivuza a vu le jour suite à l’action prédicatrice de Pierre Bashahu. Un individu lambda qui a réussi à convertir les adeptes du catholicisme et de la religion traditionnelle à son enseignement. Retour sur son parcours et son bref succès.
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ». Un certain Pierre Bashahu, fils de Mibori, un guérisseur de Karusi aurait bien aimé entendre ces mots de Jésus lui adressés. Hélas pour lui !
Bashahu voit le jour en 1914. Fils de devin, tout laisse à penser qu’il a dû acquérir des rudiments de l’art divinatoire depuis sa tendre enfance. Dans le Burundi ancien, le métier se transmettait de père en fils.
Promis à une carrière de guérisseur, les aléas climatiques qui s’invitent, vont changer le cours de sa vie. Nous sommes dans les années 1940-43. Une forte sécheresse ravage une grande partie du Burundi. Une famine terrible s’en suit, la tristement célèbre Manori. Celle-ci contraint le jeune Bashahu à l’exil. Direction : la Tanzanie.
Là-bas, il trouve le gîte et le couvert chez un certain Nyamwiza au Bushubi. Ce Nyamwiza « est réputé être un grand initiateur des devins guérisseurs »¸ rapporte Rodegem. Une aubaine pour Bashahu qui n’est pas un néophyte dans le domaine. « Impressionné par sa sympathie et ses qualités humaines, il accepta d’initier Bashahu à ce métier », affirme Révérien Nahimana dans ses recherches sur Nangayivuza.
À son retour de la Tanzanie, Bashahu fait une annonce retentissante. Il affirme posséder un élixir de l’immortalité. Il défend que son breuvage viendrait à bout de la mort et de toute forme de maladie. Dans un laps de temps, sa réputation se repend telle une trainée de poudre. L’effectif de ses adeptes gonfle de manière exponentielle.
La descente aux enfers
Umupfumu ntiyipfumurira, dit-on. En 1948, c’est Bashahu qui est atteint d’une plaie incurable sur l’une de ses jambes. La maladie résiste aux médicaments traditionnels. Le verdict est grave pour le malade, on doit amputer sa jambe. L’opération se déroule à l’hôpital régional de Gitega.
Autre surprise, en 1950, Bashahu entre au catéchuménat à la succursale de Mwakiro pour se préparer à recevoir le baptême chrétien. L’historien Joseph Gahama interprète cette conversion comme étant plus une stratégie qu’un élan de foi. « Il aurait cherché à se faire baptiser pour deux raisons. D’abord faire croire à l’Eglise catholique qu’il rompait avec le paganisme et ensuite accroitre son prestige personnel car à cette époque les païens étaient marginalisés sur le plan social. »
Le nouveau chrétien n’a effectivement pas coupé les ponts avec ses adeptes. Il a continué à effectuer sa pastorale. En 1948, son état de santé s’empire. Pierre ne quitte plus son demeure, son corps est couvert d’ulcères qui répandent une mauvaise odeur. C’est désormais derrière une cloison qu’il consulte en jouant à la cithare.
Cette situation le laisse esseulé et le malade perd de son prestige. Inconcevable pour cet homme qui disait à qui voulait l’entendre qu’il avait reçu dans ses songes un livre tombé du ciel et une mission à accomplir. Au mois de décembre 1955, Pierre Bashahu se suicide en se jetant sur sa lance avec une promesse faite à ses ouailles : ressusciter à Pâques.