article comment count is: 3

« Je jure que … » « Ndarahiye ko… ». Peut-on s’y fier ?

Avant que le prince Rwagasore ne sollicite l’aide et l’éclairage de Dieu et la garantie du Mwami, il avait prononcé à la fin de son discours, ces mots qui sonnent toujours dans mon cœur : « Vous nous jugerez à nos actes et votre satisfaction sera notre fierté ». Il mourra moins d’un mois plus tard sans que les Burundais n’aient la chance de vivre ce rêve. Aujourd’hui, nous sommes en droit de demander au nouveau président : « Est-ce que notre satisfaction sera-t-elle votre fierté ? » 

Je suis dans ma chambre d’hôtel à Muyinga et il est presque 5h30 du matin de ce jeudi 18 juin 2020. Je me réveille un peu tourmenté mais sans aucune idée de la raison d’être de ce bouleversement interne. En réfléchissant un peu, je me rappelle qu’un nouveau président va prêter serment devant tout le peuple burundais. 

J’ai un déclic dans ma tête : le président qui va prêter serment est de ma province natale. Si je m’en tiens à ce qui se dit quand quelqu’un de la famille ou un proche vient d’être promu à un poste, on est parmi les prochains heureux du pays. 

Me replongeant un peu dans mon enfance à Gitega, je me rappelle que depuis l’école primaire, je passais assez souvent tout près du monument du prince Louis Rwagasore non loin de l’actuel bar cercle de Gitega. Je lisais sans comprendre la signification de la phrase qui était écrite presque sur la tête du prince : « Vous nous jugerez à nos actes et votre satisfaction sera notre fierté ». Sans comprendre la phrase, je me disais que mon ami avec qui on a grandi dans le quartier et qui portait le nom Fierté, devrait être chanceux dans l’avenir vu que son nom était mentionné sur ce monument emblématique. 

Notre satisfaction, sera-t-elle votre fierté ? 

Honnêtement, j’ai compris la signification de cette phrase grâce à mon professeur de français en 9 ème année. Et depuis, je me suis toujours posé cette question : « Était-il, le prince Rwagasore, conscient de la profondeur de l’engagement contenu dans cette phrase lors de la victoire de l’UPRONA 1961 ? » Et pourtant, quand j’ai pris le temps de relire ce court et fameux discours du 18 septembre, le prince y avait fait plusieurs promesses pour garantir le changement qu’il allait incarner par rapport au régime colonial qu’il venait de remplacer. Pourquoi ceux qui ont écouté et mis en place ces monuments de Rwagasore ont-ils choisi d’y inscrire justement cette phrase ? Et pourtant, il avait par exemple dit : « Il faut que les habitants se sentent en paix et en sécurité, que personne ne se croit menacé et que chacun ait confiance dans la protection du gouvernement. ». Peut-être que cette phrase serait plus d’actualité pour celui qui prête serment et pour ceux qui écoutent attentivement. De nos jours, on a l’habitude d’entendre dire « ntimurabe ivyo nkora, nimwumvirize ivyo mvuga ». On va même à dire « Indahiro mbi ntirwaza mu nda ». 

Et si prêter serment ne devait désormais que se limiter à cette phrase du Prince Louis Rwagasore, ne serait-ce pas suffisant ?                                                                                                                                                              Bien sur que non mais elle serait sans doute une belle signature et un bon contrat social entre le préteur du serment et le peuple. 

Abashingantahe bati, « iri banga niwarimena rize rikumene umutwe… »

Il est vrai que l’institut des  Bashingantahe est actuellement contesté mais la notion d’Ubushingantahe, elle, reste pour tout homme ou femme avec des valeurs intrinsèquement liées à cette notion.

Quand un nouveau mushingantahe était investi, celui qui présidait la cérémonie disait au jeune investi : « Si tu romps ce serment, que ce dernier t’écrase la tête ». À cette époque avoir une bible à la main n’était pas monnaie courante dans les cérémonies d’investiture des uns et des autres comme c’est le cas aujourd’hui. Dans les superstitions qui étaient encrées dans la culture burundaise, le peuple croyait que si vous juriez d’accomplir ou de n’avoir pas fait une chose, cela n’allait pas sans conséquence pour celui qui ne remplissait pas son serment. Quand nous étions surtout des enfants, dans l’innocence totale, on croyait toujours à la parole donnée. Sur chaque promesse ou chaque soupçon de mensonge, on demandait à l’autre de jurer : RAHIRA !

J’ai envie de redevenir un enfant et de poser la même question au nouveau président qui vient de prêter serment aujourd’hui : RAHIRA ? Vous le ferez ? Est-ce que notre satisfaction sera votre fierté ? Chaque fois qu’un nouveau « prince » (au sens de Machiavel) est investi, on entend toujours les mêmes mots comme celui de 1961 : « Aux voleurs, agresseurs et bandits de toute espèce, nous annonçons une répression énergétique et impitoyable, un châtiment dont ils se souviendront… ». N’est-ce pas là, la même tolérance zéro qu’annonçait le prince Rwagasore lors de la victoire pour l’indépendance ? 

Avant que le prince Rwagasore ne sollicite l’aide et l’éclairage de Dieu et la garantie du Mwami, il avait prononcé à la fin de son discours, ces mots qui sonnent toujours dans mon cœur : « Vous nous jugerez à nos actes et votre satisfaction sera notre fierté ». Il mourra moins d’un mois plus tard sans que les Burundais n’aient  la chance de vivre ce rêve. 

Étant au travail à Buhinyuza, j’ai écouté attentivement le serment et le discours du nouveau président. Je sens dans ses mots, les mêmes que ceux du 18 septembre 1961. J’ai quand même envie de poser la même question : « Notre satisfaction sera-t-elle votre fierté ? » 

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (3)

  1. Vraiment c’est dommage! Laissons attendre s’il accomplira cequ’il s’est engagé mais il ne faut pas comparer le discous de son excellence P J Ragasore à celui d’Evariste. Mainant bcp de politiciens sont des vantriotes, souvent ils omettent même que sont de bas peuples qui leur font cequ’ils sont où cequ’ils en deviendront. Je dirais en fin que bcp commettent des indignités en se cachant derrière la Bible soi-disant qu’ils sont des vrais prophètes.