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Éducation : un examen commun, pour quels résultats ?

Depuis plus d’un an, il y a une nouvelle façon d’évaluation surtout à l’école fondamentale : tous les élèves d’une même direction communale de l’éducation (DCE) passe un même examen. Quid de cette méthode et qu’apporte-t-elle ?

Un vendredi comme les autres du mois de décembre de l’année dernière. Alors que je viens de Rutana vers Bujumbura, la voiture qui nous transporte tombe en panne. Nous sommes à Cogo, localité de la zone Vyuya de la commune Mugamba, à la frontière avec Bisoro. Il est onze heures. Alors que nous attendons quelqu’un pour nous dépanner, j’en profite pour échanger avec les gens du coin. C’est là que je rencontre Triphonie. Elle est là depuis 8h en attente d’une voiture mais visiblement les bus de transport venant de Matana sont pleins et ne s’arrêtent pas. Elle est désespérée. Elle commence à envisager de rebrousser chemin. 

Où allait-elle ? À Nyakimonyi, une localité aussi de Mugamba, pour choisir les questions d’examens puisque ceux-ci approchent. J’apprends donc du même coup qu’elle est enseignante. Et de m’expliquer que « désormais les élèves ressortissant des écoles appartenant à une même DCE font des examens communs à la fin de chaque trimestre ». C’est donc dans ce cadre qu’elle se rend à Nyakimonyi « pour choisir, avec les autres enseignants dispensant la même matière, des questions qui, une fois approuvées par tous enseignants présents, feront office d’examens dans toute la DCE ».

Une méthode qui a des avantages…

« Cette méthode d’évaluer permet à tous les élèves d’une même DCE d’être évalués de la même manière. Cela permet de faire un classement rationnel car les élèves ont été interrogés dans les mêmes conditions et sur le même contenu. Ceci est nécessaire quand le ministère fait par exemple une liste des écoles par commune en fonction du niveau de réussite, pour voir les écoles qui ont mieux réussi », explique Innocent Ntwari, psychopédagogue. « C’est donc une occasion donnée aux élèves de se mesurer aux autres », reconnaît aussi Triphonie.

Le pédagogue Ntwari soutient aussi que c’est un avantage pour les enseignants qui en profitent pour apprendre de leurs collègues : « Si par exemple il y a proposition d’un exercice non enseigné en classe, l’enseignant se remet en question, car, peut-être, c’est sur une matière sur laquelle il n’est pas revenu et c’est le moment de se questionner et pouvoir se positionner par rapport aux autres enseignants ».

…mais pas que

« En principe, celui qui évalue doit être nécessairement celui qui a enseigné », nous dit Innocent Ntwari car « au niveau des techniques et principes d’évaluation, on ne peut pas évaluer quelqu’un qu’on n’a pas enseigné. » De ce fait, nous dit le pédagogue, « il peut donc y avoir des enseignants qui, pour ne pas se culpabiliser ou se décrédibiliser devant les collègues, préfèrent fermer les yeux si une matière non vue est choisie et ce sont les élèves qui deviennent victimes ». Là, c’est sans parler du fait que « même si on choisit d’évaluer sur un aspect d’un même cours, tous les enseignants ne dispensent pas le même contenu de la même manière d’où ça devrait être le même enseignant qui a enseigné qui interroge ».

L’autre chose difficile à apprivoiser est la grille de correction collective parfois suivie à la lettre alors que l’appréciation de celui qui a enseigné est parfois nécessaire. Là, c’est sans oublier certains enseignants qui peuvent être tentés de donner le contenu des épreuves avant la passation des examens pour ne pas être classés dernier.

Comment améliorer ce système ? 

« De façon générale c’est un bon système. On pourrait toujours se mettre ensemble dans les DCE mais faudrait à l’occasion apporter un échantillon de cahiers des élèves pour s’assurer de ce que les élèves ont réellement vu et si cela l’a été dans toutes les écoles puis confectionner une grille de correction qui soit en rapport avec cela », propose Innocent, le docteur en sciences de l’éducation. 

Ce professeur à l’Université du Burundi propose aussi « d’interchanger les copies des élèves lors de la correction pour qu’un enseignant ne corrige pas les élèves qu’il a enseignés ou bien corriger les copies et les donner à quelqu’un d’autre pour les revoir afin de chercher à voir s’il y a convergence ». 

« Actuellement, cela est organisé au niveau des directions provinciales de l’enseignement, c’est pourquoi cela n’est effectif que dans certaines directions communales de l’éducation et pas dans d’autres », me dira un cadre du Ministère de l’Éducation. Cela s’inscrit dans le prolongement de ce qu’ils ont appelé « réseau scolaire », où des enseignants des écoles proches et dispensant la même matière se mettent ensemble dans le cadre de l’amélioration des manières de transmettre la matière en apprenant des pairs.

 

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