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« Au Burundi, les rois naissaient avec des semences » : sans blague !

Le mode de succession au pouvoir dans le Burundi monarchique était basé sur une croyance : celle de naître avec des semences dans la main pour un prétendant au trône. Si la formule a fait ses preuves durant plusieurs années (sauf  quelques exceptions), elle ne reste pas moins sujette aux interrogations surtout sur son aspect mythique et non transparent. 

Comme partout ailleurs, la monarchie burundaise était un régime héréditaire. Cette hérédité se distinguait cependant par son accomplissement. Et c’est bien de le répéter, l’héritier du trône, en plus d’être issu de la famille royale (fils du roi), une autre exigence devait être remplie : celle d’être né avec des semences dans la main. Cette condition était suivie par d’autres pratiques qu’il convient de préciser. 

Eugène Simons, dans son livre « Coutume et institutions des Barundi », nous l’explique, non sans détails que : « Selon les croyances populaires, l’enfant prédestiné naissait avec, enfermé dans son petit poing, quelques semences de toutes les cultures du pays ».

À partir de ce moment, c’est toujours Simons qui l’explique, l’enfant devait être éloigné de la cour. Qui plus est, à époque régulière, la mesure de sa taille était adressée au roi. Celui-ci envoyait ses habits pour que son fils les essaye, son arc pour voir s’il avait la force de le briser, la mesure de son pied imprimé dans un panier de farine pour vérifier si le pied du jeune homme atteignait la même mesure. Et puis un jour venait où toutes ces conditions-épreuves se trouvaient remplies et qui sonnaient le glas du vieux monarque. 

Mais que croire de cette légende ?

Pour l’historien Emile Mworoha, s’il est vrai que le promis roi devait avoir des semences, il ne naissait pas avec elles toutefois. Elles étaient plutôt placées dans sa main. Il explique : « La reine-mère s’entendait avec le grand mupfumu (le  devin, ndr) et d’autres personnes influentes de la cour, pour que les graines y soient placées ».

On se rend alors compte qu’il n’y a pas seulement l’hérédité qui joue : dans le choix, la désignation du nouveau roi, c’est surtout le rôle de la reine-mère et l’accord des devins du roi et des grands du royaume. Si la légende nous présente le côté héréditaire et divin de la succession, la réalité nous montre que ce n’est en réalité que l’affaire de la reine et des devins et/ou dépositaires des secrets royaux.

Une formule irréprochable ?

Ce mode d’accès au pouvoir basé sur le fait d’être né avec des semences, le politologue et Ambassadeur Denis Banshimiyubusa y voit plutôt une dimension symbolique : « Naître avec les semences pour un roi, cela symbolisait la prospérité. Un roi né avec des semences était donc le symbole de la prospérité du pays qui devait suivre »

Mais comme Emile Mworoha, Banshimiyubusa aussi ne croit pas au roi naissant avec des semences. Ce n’était que pour départager les fils du roi et rendre légitime l’heureux choisi. Et pour cet exercice, ce qu’il appelle des intrigues ne sont pas ce qui manquait. Normal, tient-il à nuancer, surtout que le roi avait plusieurs femmes, chacune rêvant de porter le titre de reine-mère. Normal aussi, conclut cet enseignant d’université,  parce que dans les milieux du pouvoir, il y a toujours des luttes de pouvoir, même si elles ne sont pas nécessairement connues par le monde extérieur. Ce n’est donc pas la royauté burundaise qui ferait l’exception. 

 

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Les commentaires récents (2)

  1. C’est curieux : on essayait de faire croire à la population que les rois naissaient avec des semences dans la main. Et aujourd’hui on essaie de nous faire croire que certains de nos présidents et candidats présidents sont d’abord des élus de Dieu. Deux époques pourtant très éloignées, mais même stratégie politique : essayer de convaincre en faisant intervenir le surnaturel (deus ex machina, diraient les latinistes). Vous pouvez y croire ou pas ; les politiciens eux savent très bien que des millions de naïfs mordent à l’hameçon.