Un bâtiment avec une histoire singulière est en ruine depuis plus de deux décennies en plein cœur de Bujumbura. Résidence du dernier résident général du Ruanda-Urundi, il sera le palais royal, le palais présidentiel et le state house pour les hôtes de marque de la République, etc.
En descendant sur le boulevard du 1er novembre, après la place où repose le héros de la démocratie, la parcelle mitoyenne abrite aujourd’hui le quartier général de l’Unité spéciale de la police nationale du Burundi dénommée Brigade Anti-Émeute (BAE).
Les habitants de la désormais capitale économique du Burundi comme tous les Burundais par ailleurs qui fréquentent Bujumbura connaissent cette place sous l’appellation de ‘‘Kwa Ndadaye’’ signifiant littéralement ‘‘chez Ndadaye’’.
La propriété n’appartient pas à la famille Ndadaye, premier président burundais démocratiquement élu, à l’issue des élections du 1er juin 1993. Plutôt, Melchior Ndadaye est le dernier chef d’État locataire de ce « Palais du 1er novembre ».
C’est de là d’ailleurs que, dans la nuit du 20 au 21 octobre, le président Ndadaye partira pour chercher refuge au camp Muha, alors chargé de la sécurité du président de la République.
Le palais faisait l’objet d’une attaque des putschistes. Le blindé qui le transportera avec sa famille sortira par l’un des deux portails du palais donnant accès à l’hôtel source du Nil car l’entrée principale était bloquée.
Il n’est pas superflu de signaler que le même palais avait fait l’objet d’une attaque, dans la nuit du 2 au 3 juillet, c’est-à-dire avant l’investiture du président Ndadaye qui y avait déjà été installé. Le président sortant d’alors, Pierre Buyoya, remettra le pouvoir le samedi 10 juillet.
Une anecdote sur le président Mitterrand
Quand le colonel Jean Baptiste Bagaza dépose le président Michel Micombero le 1er novembre 1976, il ne logera pas dans le palais présidentiel du premier novembre.
Il s’installera dans la résidence privée de celui auquel il vient de succéder, le lieutenant général Michel Micombero, située à Kiriri proche de l’ambassade de Chine, et en fera son palais. Tous ses successeurs, excepté le président Ndadaye, y résideront moyennant un loyer.
Quant au palais du 1er novembre, le président colonel en fait le state house pour ses hôtes de marque. François Mitterrand, président français (1981-1995) logeait dans ce même palais en décembre 1984 pendant son séjour à Bujumbura pour le sommet France-Afrique.
Une anecdote existe d’ailleurs au sujet de cet homme d’État français dans ce palais du 1er novembre. Athanase Karayenga, ancien conseiller du président Bagaza dit (il doit l’histoire à un ami car il n’était pas sur place) qu’un fruit de cocotier poussant devant l’entrée officielle du palais a failli emporter le président français. D’après sa source, le président Mitterrand serait tombé et aurait évité de très près que sa tête ne soit atteinte.
Héritage de la colonisation
Le palais du premier novembre a été construit dans les années 1950 par Jean-Paul Harroy, dernier résident du Ruanda-Urundi (1955-1962). Il en parle dans son livre Burundi. 1955-1962. Souvenirs d’un combattant d’une guerre perdue sorti en 1987 et explique pourquoi avoir choisi l’emplacement en plein centre-ville.
Ce dirigeant et universitaire belge mort en juillet 1995 était tenté par un site situé dans les environs du collège du saint Esprit, actuel campus Kiriri de l’Université du Burundi, construit en 1952. Cela en raison de sa position surélevée par rapport à la ville de Bujumbura et de la vue panoramique que l’emplacement donne sur le lac.
Cependant, cette idée sera finalement abandonnée en raison de son éloignement par rapport au centre-ville dont les hôtels accueillaient des cérémonies officielles, qui se tenaient souvent aux heures avancées.
Après l’indépendance, tour à tour, les rois Mwambutsa IV et Ntare V s’y installeront. C’est avec nostalgie que ceux qui ont connu le palais du 1er novembre en parlent : « À l’époque de Harroy et Mwambutsa, Ntare et Micombero, c’était une très belle résidence. Un très beau parc. Il y avait même des gazelles dans le parc », fait savoir Athanase Karayenga qui, jeune journaliste à la Radio nationale dans les années 1970, y allait pour la couverture des événements.
Faisons-en un musée
Derrière le bâtiment en ruine, il y a toute une histoire digne d’être connue. Les Burundais ne la connaissent pas, les étrangers de même. Les autorités se devraient de penser à un projet de faire de la place « Kwa Ndadaye » un musée particulièrement à caractère politique.
D’une part, le Burundi aura honoré la mémoire de ceux qui y ont résidé parmi lesquels Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu et héros national de la démocratie et le roi Mwambutsa IV ayant régné sur le Burundi pendant plus d’un demi-siècle (1915-1966). Et d’autre part, ce musée pourrait générer des rentrées dans les caisses de l’État, s’il est bien entretenu.
il faut traduire ça en kirundi pour qu’il soit pu comprendre par un grand nombre des burundais que des étrangers
Très bonne histoire qui hélas reste inconnue par un grand nombre de burundais.Merci à vous YAGA.
Je suis tellement content de cette histoire de Kwa Ndadaye. Plusieurs Burundais n’en savent rien. Merci Yaga
L’anecdote concernant la noix de coco qui aurait failli tuer le président François Mitterrand mérite une légère rectification et précision. En fait, à un moment où le président Bagaza accueillait son illustre hôte, la noix de coco se serait décrochée et serait tombée en évitant de justesse la tête du président français. Il ne m’a pas été rapporté que le président français soit tombé. Sinon, l’article sur la résidence « Kwa Ndadaye » est très intéressant. L’idée d’un Musée d’Histoire Contemporaine du Burundi est très judicieuse. Ce Musée pourrait être étudié et construit à cet endroit chargé d’histoire et de témoin de tous les drames que le Burundi a connus. Il faudrait aussi rappeler que le roi Mwambutsa a été attaqué dans la nuit du 15 octobre 1965 par les mutins de la Gendarmerie Nationale qui voulaient proclamer la République. Il se serait défendu courageusement épaulé par sa garde. Au cours de cette nuit tragique, le roi, pour sa protection, se serait rendu à Kiliba Ondes, au Congo. A la suite de cette attaque, il se rendra en Europe d’où il ne rentrera plus. Son fils, Charles Ndizeye, intronisé le 1er septembre 1966 sous le nom dynastique de Ntare V résidait, lui aussi dans le palais royal, dernière résidence de son père. Le Burundi pourrait s’inspirer de plusieurs exemples de Musées d’Histoire Contemporaine dont, notamment, le Musée National du Kenya qui se trouve au cœur de la ville de Nairobi. Cependant, quand on voit ce qu’est devenu le Musée Vivant de Bujumbura, on ne peut que douter de la volonté du Burundi de se doter d’un véritable Musée. Le Musée Vivant était une initiative d’un groupe de quelques personnes enthousiastes, burundaises et françaises. J’en faisais partie. Il avait été conçu comme un prototype d’un grand Musée National que la Belgique avait promis de financer. Un budget de 12 millions de francs belges aurait été promis à cet effet au gouvernement du Burundi. Le prototype du Musée Vivant de Bujumbura devait durer six mois. Hélas, à la suite de malentendus diplomatiques, le Musée National promis au Burundi a été finalement construit à Butare, au Rwanda. Mais le Musée Vivant de Bujumbura, appuyé par le gouvernement du Burundi à l’époque du président Bagaza et du Ministre de la Culture, M. Emile Mworoha, a survécu, tant bien que mal pendant plusieurs années. Aussi longtemps qu’il a reçu des subventions de pays amis du Burundi. Par ailleurs, le modeste Musée National de Gitega n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut naguère sous l’administration coloniale. Autrement dit, ne comptez pas sur les gouvernements du Burundi, encore moins sur l’actuel, pour imaginer et construire un véritable Musée National d’Histoire Contemporaine » Kwa Ndadaye « . Le Burundi a d’autres chats à fouetter ! Dans le sens propre et figuré. N’est-ce pas ? Athanase Karayenga.
C est nostalgique
Merçi beaucoup!
Ne peut-on pas relater les circonstances dans lesquelles ce jeune et beau roi Ntare V a trouvé la mort?
Est-ce vrai qu’il s’est agit d’un assassinat commandité par Michel Michombero?
« C’est de là d’ailleurs que, dans la nuit du 20 au 21 octobre, le président Ndadaye partira pour chercher refuge au camp Muha, alors chargé de la sécurité du président de la République. » Du révisionnisme pur et abject.
Commentaire *suis épaté par cette histoire. très émouvante.