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Suspension des ONG étrangères : la boîte de Pandore ?

La décision est tombée ce jeudi 27 septembre à la surprise générale. À la RTNB, le secrétaire permanent du Conseil National de Sécurité, le lieutenant général Silas Ntigurirwa, annonce la suspension de toutes les ONG étrangères œuvrant au Burundi. Depuis, malgré la mise au point du ministre de l’Intérieur, c’est l’incertitude.

Oui, toutes les ONG doivent suspendre leurs activités pour trois mois depuis ce 1er octobre, le temps qu’ils se conforment à la loi les régissant.  Mais, faut-il le noter, sans remettre en cause la décision du Conseil National de Sécurité, le ministère de l’Intérieur, dans une réunion avec les représentants de ces ONGE, vient d’annoncer que celles qui se conformeront à la loi peuvent continuer leurs activités après un nouvel enregistrement. Avec cette annonce fracassante de Bujumbura, nous ne pouvons que nous demander à quoi s’expose le Burundi.

Avec une population de 11,2 millions dont 72,9 % vivant au-dessous du seuil de pauvreté et une densité de 470 habitants/km² qui en fait le deuxième pays d’Afrique le plus densément peuplé, le Burundi  se classe à la 184e place sur 188 pays dans l’indice de développement humain.  Pour faire court, c’est le 3e pays le plus pauvre de la planète.

Certains n’hésiteront pas à répliquer que ces statistiques sont faussées, issues d’institutions à la solde du colon. Qu’importe. Les gisements de Nickel, Pétrole etc., jusque-là peu en ont vu les retombées !

Une situation lourde de conséquences

À n’en pas douter, cette suspension aura de fâcheuses conséquences. Sans s’attarder sur la légalité de cette mesure (cet article a tout dit), analysons les possibles effets sur l’économie.

Faustin Ndikumana de PARCEM donne un chiffre qui suffit pour comprendre que ces organisations de par leurs activités font rentrer des devises valant plus de 100 milliards de FBU chaque mois.

Pour un économiste enseignant à l’université du Burundi, cette situation aura plusieurs impacts :« C’est aussi simple que ça. Avec cette suspension, c’est la masse salariale qui part en fumée. Par voie de conséquence, c’est la consommation qui en pâtit. Il va sans dire que l’impôt se trouve affecté, qu’il soit direct ou indirect ».

Cet économiste souligne aussi l’impact au niveau des devises. « Déjà, estime-t-il, ces derniers jours sont caractérisés par la rareté de ces devises, imaginez alors si toutes ces ONG retiraient leurs devises en banque. C’est toute l’économie qui risque de s’effondrer ».

Une decision qui pénalise tout le monde

Cette suspension n’est pas aussi sans conséquences aux niveaux humanitaire et diplomatique. C’est du moins l’analyse d’un expert burundais en Relations Internationales et professeur d’université. Il explique : « Dans un pays où plus de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 60% d’enfants souffrent de malnutrition chronique, l’intervention des ONG est d’un grand secours. »

Qui plus est, ajoute le spécialiste, « aujourd’hui c’est pratiquement toute l’aide des principaux bailleurs de fonds qui passe par le canal des ONG internationales qui risque de s’arrêter sur-le-champ. La seule Union Européenne avait en ce moment des programmes en cours qui devraient débuter avant la fin de l’année d’un montant de 150 millions d’euros et qui devraient être injectés dans le secteur de la santé, du développement rural ou encore de l’énergie. Des difficultés dans la transmission des médicaments, des engrais chimiques et des semences sont aussi à craindre, de quoi aggraver la crise humanitaire ».

Au niveau diplomatique, cet expert estime que la mesure va refroidir davantage les rapports avec les bailleurs de fonds classiques (Europe occidentale+Amérique du nord), ce qui risque de mettre en difficulté Bujumbura qui commençait à afficher des tendances vers le désamorçage de la crise diplomatique (l’abandon de la candidature de Pierre Nkurunziza en 2020, des démarches en rapport à la reprise de négociation, etc..). « L’image du pouvoir en place, continue le professeur d’université, sera ternie par cette décision d’isolement diplomatique qui ne fera que légitimer les différents rapports condamnant le régime en place. »

Et l’éternelle question de Hutu/Tutsi qui s’invite

Last but not least, le gouvernement oblige à ces organisations de se conformer aux quotas ethniques pour pouvoir travailler sur le territoire national. Il n’y a pas beaucoup de commentaires à faire, la réponse du ministre de l’Intérieur et de la formation patriotique sur la question de savoir comment faire le distinguo entre un Hutu et un Tutsi se suffit à elle seule : « les étrangers pourront le savoir par le biais des gens qui travaillent dans ces ONG car les gens se connaissent mieux au Burundi ».

La question a été alors posée à un jeune Burundais engagé dans une des ONGE suspendues. Voici sa réponse : « Au fait M. le ministre de la formation patriotique, je crois avoir besoin d’être formé, parce que si ces étrangers s’adressent à moi, je ne suis pas sûr des réponses que je vais donner. »

 


A relire : Pourquoi la valeur des devises étrangères chute sur le marché noir ?

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Ils nous disent tjrs de baser sur les accords d’arusha!pourquoi eux aussi ne pas se conformer sur cela!ce pas le pays ou règne le desordre comme ils le sais!