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Neuf choses que vous ignorez sur le métier de « kokayi »

Les « kokayi », un des mots nouveaux qu’on retrouve dans le jargon burundais, sont tout simplement les rabatteurs pour les véhicules de transport en commun rémunéré. On les croise aux parkings et arrêts-bus disséminés ici et là dans Bujumbura et à l’intérieur du pays. Mais pensez-vous tout connaître de ce métier ? « Pas du tout », assure le blogueur Jean Blaise Migabo, qui s’est entretenu avec certains d’entre eux.

Chemise et pantalon  en bleu le plus souvent, parlant à haute voix  et courant parfois d’un sens à l’autre…vous avez peut être reconnu les aide-convoyeurs ou rabatteurs, ou plutôt devrais-je dire les kokayi/tandiboy pour utiliser leurs appellations les plus connues. Ils ne nous sont pas étrangers vu que nous les croisons à tout coin de rue  surtout quand on va prendre nos transports en commun au niveau des différents parkings à Bujumbura comme à l’intérieur du pays. Ils nous sont tellement familiers que l’on pense bien les connaître. Mais saviez-vous par exemple que le métier de kokayi est un métier « à vie » ou encore que c’est un métier « à succession » ? Que ce soit cela ou quelque chose d’autre, voici neuf choses que vous ignorez, peut-être, sur le  métier de kokayi.

Un vrai métier 

Si vous pensiez, comme moi avant d’ailleurs, que le métier de kokayi est à portée de main ou qu’il peut être fait par qui veut et quand il veut, eh bien détrompez-vous puisque pour y accéder, il y a un certain nombre de critères à remplir dont deux majeurs : être soit chauffeur ou convoyeur, et être reconnu adoubé officiellement comme faisant partie d’eux .

Une solide organisation

Vous avez peut-être déjà entendu parler d’ « Urunani rw’abakokayi mu Burundi » ( Union des rabatteurs au Burundi) mais saviez-vous que c’est une organisation bien structurée qui gère tout le « personnel » avec des représentants sur  tout parking pour assurer le bon déroulement du travail de ses membres et surtout pour veiller à ce que ces derniers travaillent en suivant les normes ? Saviez-vous par exemple qu’au-delà du port obligatoire d’uniforme et du badge, tout membre de l’association doit avoir un numéro matricule ?  Il est tenu de respecter les clients, et pour aller sur un parking il doit être affecté par l’association.

Un esprit de partage

Normalement pour être au parking il faut être un « vrai kokayi » remplissant les conditions ci-dessus, mais il arrive qu’une personne ne les remplissant pas veuille faire ce travail et là souvent on le laisse travailler mais comme un volontaire et  il sera payé par le bon vouloir de celui à qui il offre un service et qui l’apprécie…ceux-ci ne sont pas de ces jeunes qui se fichent du  volontariat.

Une ponctualité à envier

Je peux dire sans me tromper qu’ils sont parmi ceux qui se lèvent  tôt et qui se couchent tard, avec peut-être les femmes rurales. Et ceci pour une raison et non des moindres : « Si vous n’êtes  pas ponctuels vous n’êtes pas payés », un retard équivaut presque à une absence puisque si on traîne on se fait remplacer  par un autre et on peut dire adieu à la paie du jour. Une ponctualité ancrée bien qu’ils ne soient pas « blancs » .

Une paie plus que régulière

Normalement ils sont payés au jour le jour c’est-à-dire que si tu t’es présenté  à temps au parking auquel tu es affecté, tu rentreras avec ta paie du jour, une paie qui vient de la cotisation de chaque voiture via les frais de parking (amahera y’imbuga). Une partie de cet argent sert donc à  payer les rabatteurs et une autre partie va dans l’association pour le bon fonctionnement mais également pour la paie de fin d’année. À cette occasion, ils évaluent comment a été l’année et se partagent leur dû en fonction de l’état de la caisse.

Une entraide très louable

La vie est aussi faite des moments difficiles comme la maladie ou les accidents. Dans de telles situations l’association vient en aide à la personne en question en assurant par exemple les frais de restauration du malade pendant la période de maladie ou en lui payant les frais de santé en cas d’accident…bien sûr tout cela en fonction des recettes dans la caisse.

Un métier « à vie » si on veut

« Kokayi un jour kokayi toujours » serais-je tenté de dire et non sans raison. En effet quand on devient aide-convoyeur on va le rester et on ne le quittera qu’à sa volonté.  Pour dire que c’est un travail, quoique avec des normes quelquefois strictes, sans crainte de licenciement. Sauf bien sûr en cas de « faute grave » dépassant les sanctions par amandes et autres rappel à l’ordre. Ce qui se produit assez rarement.

Un métier avec droit de succession

Si l’héritage des femmes aux biens de leurs parents est encore une question à bien mûrir au Burundi, eh bien dans ce métier c’est chose faite, du moins pour la succession d’une femme à son mari. S’il arrive qu’un kokayi meurt, sa place ne sera pas vacante et le droit de succession est accordé à  ses enfants, sa femme ou à ses membres de famille, si bien sûr ils le veulent, et peuvent donc occuper sa place avec tous les avantages qui vont avec.

Une fierté sans égale

S’il y a des gens qui sont fiers de leur travail, les kokayi en font partie et ils ne manquent pas d’occasions pour le montrer que ce soit en faisant leur travail avec un courage et un esprit d’un travail apprécié ou que ce soit en le défendant chaque fois qu’il y a une personne qui veut les dénigrer et  le plus important, comme me disait l’un d’entre eux, c’est que  « ce métier nous fasse vivre et  que grâce à lui nous ne manquions jamais quoi manger ».

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