Nous entendons souvent ces histoires dans notre entourage : telle jeune fille a été mise enceinte par un jeune homme qui n’a pas reconnu l’enfant. Sans aucun pouvoir pour l’y contraindre, la jeune maman finit par endosser seule la responsabilité. Mais que peuvent être les conséquences pour les enfants issus de ces relations ? Un témoignage recueilli par la blogueuse Bella Lucia Ninihazwe nous éclaire.
C’est le samedi. Le soleil a bien entamé son ascension dans le ciel. Je ne veux pas regarder ma montre. Je sais qu’Il va arriver d’un moment à l’autre. Sourire aux lèvres, un maquillage au taquet, un cœur plein de joie, je m’assois dans un fauteuil au salon, dans la maison de mon oncle maternel où je vis pour le moment. Je n’aurais jamais cru me marier un jour, moi la fille qui vient de nulle part. Mais voilà, je suis là, assise dans ma robe toute blanche, attendant impatiemment mon prince charmant.
D’où je viens ? Je suis née d’une manière « illégale ». Ma mère était en 9ème quand elle fut engrossée par un garçon du même établissement. Pour le jeune homme, élève en seconde et issu d’une famille bourgeoise, il fallait sauver son honneur et celui de sa famille en niant la paternité. Chose faite.
Ma mère n’avait d’autres choix que de me faire enregistrer comme une sans père et de demander le concours de sa famille pour mon éducation. Quand j’ai eu cinq ans, ma mère est morte en me laissant chez ma grand-mère. Cette dernière s’éteignit elle aussi deux ans plus tard. C’est ainsi que je suis restée sans racines, ballottée d’une famille maternelle à une autre.
J’étais habituée à cacher mon identité, à me taire et sourire quand les amis parlaient de leurs familles, à louper quelques opportunités qui me demandaient de présenter la photocopie de la carte d’identité mais je croyais ces mauvaises aventures reléguées au passé, sans me douter que le pire était à venir, dans cette belle journée ensoleillée.
Victime d’une faute d’autrui
Retour dans le présent. Je n’aurais pas attendu longtemps, assise dans ce salon qui était mon chez moi sans l’être. Mon homme arrive quelques instants plus tard, le visage souriant, un bouquet de fleurs à la main. Je me lève, lui fait un doux câlin. Nous échangeons des sourires et nous procédons à des salutations avec les membres de la famille. Quelques photos et nous embarquons pour les cérémonies officielles à la commune.
On arrive à la municipalité les visages souriants, et nous descendons de la voiture. Le bonheur se lit sur nos visages. Malheureusement, mon bonheur sera laissé dans cette petite pièce.
Les officiers d’état civil sont bien présents, en toge couleur du drapeau de mon pays, ils sont splendides. Nous nous asseyons sur les bancs de devant et les cérémonies commencent. Depuis la lecture des lois régissant les familles, je suis concentrée, j’écoute attentivement. Vient alors le temps de lire nos identités. « Jadot Iteriteka fils de Minani Gérard et Bigirimana Jeanne va se marier à Ineza Landrine née de Nahimana Anatolie et d’un père inconnu ».
Mon cœur bat la chamade, je baisse le visage, j’ai l’impression que tout le monde me regarde. Ce n’est pas même une impression, c’est vrai. Tout le monde veut voir cette fille d’une pute qui n’a pas su identifier même le géniteur de son enfant.
Je me sens nulle, honteuse, je me rappelle l’image des clichés de ma communauté : « La fille d’une pute est une pute ». Je maudis en mon for intérieur ce père qui n’a pas eu les cou*** d’assumer ses erreurs. Et je pleure.
A relire : J’ai retrouvé mon père grâce à la Regideso